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jusqu’à l’assassinat. Comme type de cette catégorie de criminels, je citerai celui d’une famille J. Chrétien dont parle le docteur Despine :


« Jean Chrétien, souche commune, a trois enfants : Pierre, Thomas et Jean-Baptiste. — I. Pierre a pour fils Jean-François, condamné aux travaux forcés à perpétuité pour vol et assassinat. II. Thomas a eu : 1o François, condamné aux travaux forcés pour assassinat ; 2o Martin, condamné à mort pour assassinat. Le fils de Martin est mort à Cayenne pour vol. III. Jean-Baptiste a eu pour fils Jean-François, époux de Marie Tanré (d’une famille d’incendiaires). Ce Jean-François a eu sept enfants : 1o Jean-François, condamné pour plusieurs vols, mort en prison ; 2o Benoît tombe du haut d’un toit qu’il escaladait et meurt ; 3o X., dit Clam, condamné pour divers vols, mort à vingt-cinq ans ; 4o Marie-Reine, morte en prison, condamnée pour vol ; 5o Marie-Rose, même sort, mêmes actes ; 6o Victor, actuellement détenu pour vol ; 7o Victorine, femme Lemaire, dont le fils est condamné à mort pour assassinat et vol. »


Galton cite le cas d’une famille Jecker, en Amérique, dont la généalogie a été dressée jusqu’à sept générations, comprenant 540 membres, dont un nombre considérable ont fini en prison, au bagne ou sur l’échafaud.

En dehors de ces sujets nés criminels, comme on naît bossu, cancéreux ou phthisique, et que rien ne peut empêcher de devenir criminels, nous trouvons plusieurs catégories d’individus qui doivent sans doute à l’hérédité les dispositions qui les ont conduits au crime, mais qui, avec les mêmes dispositions, auraient pu être conduits à des actes fort différents. Tels sont d’abord les sujets que j’appellerai impulsifs, c’est-à-dire ces natures chez lesquelles, de même que chez les sauvages, les femmes et les enfants, la conduite n’a guère pour mobile que l’impulsion du moment. Les barrières qu’interpose la raison entre l’idée et l’action chez les individus arrivés à une forme d’évolution supérieure n’existent pas chez eux. Suivant les motifs qui les auront excités, le crime et la vertu leur seront également faciles. Commettant avec la même aisance les actes les plus héroïques ou les crimes les plus noirs, ils se jetteront dans les flammes au péril de leurs jours, pour sauver un inconnu, ou tueront sans hésiter l’individu qui sera l’objet de leur haine. Des peuples entiers ont possédé de tels caractères. Les Italiens du moyen âge et du commencement de la Renaissance nous en fournissent le type parfait[1]. Dans des civili-

  1. Il suffit, à défaut des histoires et chroniques du temps, celles relatives à Florence par exemple, de lire les Mémoires de Benvenuto Cellini pour avoir une idée exacte de ce qu’étaient alors la plupart des caractères. Le frère de