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Dr g. le bon. — la question des criminels.

ment, et à la vengeance par simple dédommagement pécuniaire ment, et à la vengeance par simple dédommagement pécuniaire s’ajouta ou se substitua un châtiment prononcé au nom de la communauté et qui nécessairement atteignait le coupable dans son honneur et sa considération. La simple compensation pécuniaire pour la plupart des actes que nous qualifions aujourd’hui de crimes persista cependant longtemps. À la chute de l’empire romain, elle avait disparu à peu près de la loi latine, mais elle reparut au moyen âge avec l’invasion des peuples qui en étaient encore à cette phase d’évolution de l’ancien droit.

À cette antique notion de vengeance sous une forme quelconque (talion ou compensation) exercée d’abord par l’individu offensé, puis par la société, s’est substituée dans les temps modernes l’idée que les lois ne sont pas instituées pour venger les sociétés, mais pour les protéger en corrigeant les coupables, et refréner la tendance au crime par l’exemple du châtiment.

Si les codes modernes étaient réellement écrits sous l’influence de tels principes, ils seraient probablement parfaits ; mais ce qui se dégage de leur lecture attentive et de l’examen des conditions dans lesquelles ils sont appliqués, c’est beaucoup plus la vieille notion de vengeance que celle de protection, et en réalité la seconde est à peu près entièrement sacrifiée à la première. Elle l’est même à ce point que, pour satisfaire à cet occulte besoin de vengeance, nous avons recours à un système de punitions qui rend le coupable beaucoup plus dangereux qu’il ne l’était d’abord, comme le prouve la progression des récidives. Deux des buts théoriques cités plus haut, protéger la société et corriger les coupables, ne sont donc pas atteints. Seul, le troisième, effrayer par la crainte du châtiment, l’est peut-être dans une certaine mesure, mais en tout cas dans une mesure bien faible.

Tel est l’état réel de la législation criminelle au point de vue du droit. Voyons maintenant sa valeur au point de vue social.


IV


Nous ferons remarquer tout d’abord que nous pouvons considérer comme une vérité évidente qu’au point de vue de l’intérêt social, il importe peu que la « vindicte publique », comme disent les juristes, soit satisfaite, mais qu’il importe beaucoup que la société soit protégée. Est-elle protégée réellement ? Recherchons-le.

Pour savoir comment notre législation actuelle protège la société contre les criminels, nous n’invoquerons que l’autorité des personnes les plus intéressées à la défendre, c’est-à-dire les magistrats eux-