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ANALYSESch. letourneau. — La sociologie.

par génération spontanée ; on les prépare en dégageant du chaos des observations de détail quelques faits généraux ; nous espérons y être parvenus. »

Le livre de M. Letourneau débute par des prolégomènes ethnographiques et se divise ensuite en six livres. Le premier traite de la vie nutritive dans l’humanité, le second de la vie sensitive, le troisième de la vie affective, le quatrième de la vie sociale, le cinquième de la vie intellectuelle.

Chaque livre est subdivisé en plusieurs chapitres. Le premier est consacré d’ordinaire à une étude générale sur le sujet traité ; les autres poursuivent l’étude du même sujet chez les animaux quand cela est possible et chez les diverses races d’hommes, en partant des races inférieures. Le dernier chapitre est une généralisation des faits donnés dans les précédents. M. Letourneau y étudie l’évolution passée et l’évolution future des croyances, des usages, etc.

La sociologie est surtout un ouvrage d’érudition ; les faits y abondent. On désirerait qu’il y en eût moins et qu’ils fussent toujours bien choisis. Sa composition nous empêche d’en faire un résumé complet. D’ailleurs l’auteur est loin d’avoir cherché partout à faire une œuvre originale Nous nous bornerons donc à quelques critiques portant sur divers points de l’œuvre de M. Letourneau.

D’abord est-ce bien de la sociologie qu’a fait l’auteur ? Il est permis d’en douter, d’après le titre même des divers livres qui composent son volume. On en doute encore plus après les avoir lus. Prenons par exemple le livre II, intitulé : De la vie sensitive dans l’humanité. Les différents chapitres sont intitulés : De la vie sensitive en général, Da besoin génésique et de la pudeur, Des rapports sexuels, Des écarts génésiques, etc., De la délicatesse des sens. Tout cela et bien d’autres choses encore rentre au moins autant dans la psychologie que dans la sociologie. Sans doute la psychologie qui embrasse de telles matières est la psychologie de l’homme qui vit en société, l’étude de l’esprit modifié par l’état social ; mais il est impossible de faire l’étude de l’homme comme individu sans tenir compte de ces modifications. Avec le système de M. Letourneau, la psychologie entière rentrerait dans la sociologie. D’un autre côté, M. Letourneau ne serait pas fâché, je crois, de l’absorber dans la biologie. Les livres, qui traitent de la vie nutritive, de la vie affective et de la vie intellectuelle, donnent lieu à la même observation. Reste donc pour la sociologie proprement dite, le livre qui traite de la vie sociale, cent vingt pages environ.

M. Letourneau d’ailleurs, je dois le reconnaître, s’est bien rendu compte de ce qu’il faisait. « À grands traits, et comme il convient à notre but, avant tout sociologique, nous avons fait l’énumération et le dénombrement des principales espèces humaines. La tâche que nous allons aborder est plus minutieuse et plus assidue. Il nous faut maintenant, prenant un à un chacun de ces types, en faire la psychologie ethnographique, les passer en revue du plus humble au plus élevé,