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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS




Ch. Letourneau : la sociologie d’après l’ethnographie (faisant partie de la Bibliothèque des sciences contemporaines). Paris, C. Reinwald, 1880. In-12, 581 pages.

Les recherches sociologiques sont plus que jamais à l’ordre du jour. Plusieurs ouvrages importants viennent de paraître en France presque coup sur coup. Celui de M. Letourneau fait partie d’une collection avantageusement connue déjà du public qui s’intéresse aux progrès des sciences et de la philosophie, et destinée à répandre, à vulgariser les résultats obtenus par les savants dans les diverses branches des connaissances humaines.

S’il est difficile et délicat de rendre accessible à tout le monde une science déjà fort avancée, il l’est certainement bien plus de mettre à la portée de tous une science à peine ébauchée, quand on veut traiter son sujet sérieusement. M. Letourneau ne se fait aucune illusion sur l’état actuel de la sociologie. « Tous ces penseurs, dit-il, en parlant d’Aristote, de Platon, de Machiavel de Montesquieu, de Vico, de Condorcet, de Saint-Simon, d’Aug. Comte, tous ces penseurs ont-ils réussi à fonder la sociologie ?… Pour le prétendre, il faut s’aveugler volontairement. Nous avons le mot sans la chose, et il n’en saurait être autrement. La genèse d’une science, même des plus simples, est toujours une œuvre collective ; il y faut l’incessant labeur d’une armée de patients ouvriers se succédant, se relevant pendant une série de générations. » À plus forte raison, une science complexe comme la sociologie sera-t-elle longue à se constituer. « Pour accomplir l’immense préliminaire que nous venons d’indiquer, il faudra sûrement des siècles, et pourtant, sans lui, toute espérance d’une sociologie scientifique restera vaine ; aujourd’hui, il n’y a de possible que des ébauches sociologiques, et il est sage d’en circonscrire l’objet, en consacrant chacune d’elles à l’une des faces multiples de la vie sociale. Il faut en effet que la sociologie repose sur les données empruntées à bien des sciences… » Et M. Letourneau s’est seulement proposé en effet d’écrire un de ces chapitres de la sociologie, le chapitre ethnographique ; il nous prévient en outre que nous ne devons pas nous attendre à trouver dans son livre une énumération de « lois sociologiques » ayant la rigueur des lois vraiment scientifiques. « La science sociale est encore dans l’enfance ; formuler des lois est au-dessus de ses forces ; mais les lois scientifiques ne jaillissent point