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avec un talent d’exposition incontestable, ne dépasse pourtant point le niveau atteint déjà par les psychologues descriptifs ses prédécesseurs : il se tient, de son propre aveu, sur les confins de la littérature et de la science. C’est ce que montrera une rapide revue de son œuvre.

Des trois parties dont l’ouvrage se compose, la première a pour objet les éléments des émotions ; la seconde est consacrée à leur classification ; la troisième se rapporte plus particulièrement aux émotions complexes. Les études des psychologues modernes ayant épuisé la matière du point de vue de la conscience, c’est sur les points de doctrine générale que nous insisterons. Notre appréciation sera surtout une critique de la méthode elle-même, de ses inconvénients et de ses imperfections.

Après avoir signalé au fond de toute émotion l’existence de trois éléments internes, l’appétence naturelle (instinct ou inclination), l’idée de certains objets favorables ou contraires au désir, l’état de conscience (feeling), M. Mac Cosh arrive au quatrième élément, la modification organique. Il nous annonce lui-même à quel point de vue et dans quelle mesure il veut en parler : « Il est beaucoup plus difficile de traiter des modifications corporelles produite s par les émotions que des émotions considérées comme états de conscience. La raison en est que nous avons affaire dans le premier cas à deux séries très différentes de manifestations, à un corps étendu et à un moi sentant, et à leur action réciproque. Pour le présent, ce qui importe, c’e st que les psychologues poursuivent leurs observations avec le secours de la conscience, et que les physiologistes conduisent leurs expériences avec toutes les ressources dont ils disposent, sous la réserve qu’aucun des deux groupes ne spéculera par delà les limites de sa province propre. Si les uns et les autres procèdent ainsi, alors il surgira sans doute des esprits judicieux qui combineront en système les résultats obtenus et projetteront la lumière tant sur l’âme que sur le corps. En ce qui concerne les émotions tout ce que nous pouvons faire à l’heure actuelle, c’est d’énoncer et d’utiliser le petit nombre de lois empiriques (of an empirical character) qu’on est parvenu à établir. « Conformément à ce programme, M. Mac Cosh résume les observations principales des physiologistes ; citons un passage de ce chapitre pour mieux faire juger de ce que l’auteur a fait et de ce qu’il eut pu faire. « Par les nerfs, les émotions agissent en particulier sur le cœur et les poumons, partant sur les organes de la respiration dont les nerfs sont éparpillés sur la face, si bien que la physionomie nous révèle ainsi le jeu des sentiments. Chaque émotion soudaine accélère l’action du cœur, et conséquemment la respiration, ce qui peut entraîner des mouvements involontaires. Si nos organes de respiration et de circulation eussent été autres, notre mode d’expression lui aussi aurait été différent. Le Dr Beaumont a eu l’occasion de faire durant plusieurs mois des expériences sur un individu dont l’estomac à la suite d’un accident se prêtait à l’inspection directe, et il constate que les émotions mentales produisent invariablement une indigestion et une modification morbides de la membrane tégumentaire de l’es-