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ANALYSESmac cosh. — The Emotions.

insiste sur la différence de délicatesse des sens chez l’homme civilisé et chez le sauvage et il fait remarquer justement que les sens du sauvage sont souvent fort délicats, mais ont un champ d’activité très restreint. Tout ce qui dans la perception est affaire d’intelligence est très peu développé chez le sauvage. L’Australien, dont la vue est d’ordinaire très perçante, est incapable parfois de comprendre un dessin des plus simples, de reconnaître son portrait. Les sens deviennent plus puissants, quand il y a derrière eux une attention soutenue (c’est ce qui permet aux sens du sauvage de se développer beaucoup sur certains points) et une intelligence développée. Aussi les Européens qui adoptent la vie sauvage finissent souvent par l’emporter au point de vue de la délicatesse des sens sur les sauvages eux-mêmes. On pourrait citer bien d’autres remarques, mais qui ne rentrent que bien difficilement dans la sociologie.

Fr. Paulhan.

Mac Cosh. — The Emotions. Macmillan, Londres. 1880.

L’étude des émotions a jusqu’ici moins intéressé la science que la littérature philosophique. À toute époque, les moralistes se sont approprié ce sujet comme leur domaine propre : ils en ont dressé la carte avec un soin minutieux ; ils l’ont cultivé, retourné, enrichi à force d’essais et de travaux. Aussi n’y a-t-il guère à dire dorénavant sur les modifications subjectives de l’esprit dues au développement de la sensibilité. II y a loin pourtant de cet amas d’observations empiriques à un corps scientifique de faits ; en réalité il n’est point de partie de la psychologie plus en retard. Les éléments psychophysiologiques des émotions, les lois objectives de leur combinaison, les causes déterminantes, extérieures ou intérieures, de leur formation et de leur développement, leur classification naturelle, positive, tout est à fixer.

Si la théorie scientifique de ces phénomènes à double face, physiologique et psychique, est encore à l’état d’embryon, la faute en doit être imputée à l’insuffisance et à la fragilité de la méthode suivie. Séparer ici, même un instant, l’état mental soit de ses conditions, soit de ses effets organiques, est un grossier contre-sens.

L’auteur du présent ouvrage sait aussi bien que nous les inconvénients de cette funeste méthode d’abstraction ; il nous avertit dès le début qu’il a eu dessein de considérer « les concomitants et les effets physiologiques des émotions ». Le malheur est, on s’en aperçoit bien vite, que la foi ou le courage lui a manqué au cours de l’exécution. La lecture de ses excellentes descriptions, de ses fines analyses, malgré le charme qui s’y attache, éveille le regret que M. Mac Cosh n’ait point plus hardiment bâti sur les fondements de la physiologie contemporaine, et défini les faits par leurs lois causales, selon l’expression significative de Stuart Mill, au lieu de s’en tenir à l’énonciation de leurs lois empiriques, communément connues. Le savant présidente de « Princeton College »,