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la création telle qu’elle est exposée dans la Bible et en fait voir l’insuffisance, au point de vue scientifique. Puis il s’occupe de la sélection artificielle et montre les effets obtenus par l’homme sur les animaux qu’il possède. Vient ensuite un chapitre sur la variabilité de l’espèce et les différences présentées par les individus, et sur les causes de ces faits. Puis M. Canestrini montre comment les caractères se transmettent par l’hérédité, il étudie la sélection naturelle et ses diverses conséquences, consacre un chapitre à l’instinct et à l’intelligence, et après avoir exposé et défendu la théorie de la sélection sexuelle, il s’occupe de l’application à l’homme de la théorie évolutionniste et termine par un résumé général.

Il n’y pas lieu de résumer plus longuement le livreM. Canestrini ; les théories qui y sont étudiées sont connues des lecteurs de la Revue. Quant aux détails, aux faits sur lesquels reposent ces théories, ils abondent dans l’ouvrage de M. Canestrini, qui, tout en mentionnant les principaux faits cités par ses devanciers, y ajoute ses propres observations. Ce qui contribue encore à l’intérêt de son livre, c’est l’exposé et la discussion assez brefs souvent, ce qui était obligatoire, mais toujours clairs et nourris de faits, des points secondaires de la thèse évolutionniste, comme les causes qui déterminent le sexe des animaux, les effets des mariages consanguins, la pangenèse, les rapports entre les êtres organisés, les couleurs protectrices et l’imitation, la sélection civile, etc. — À propos des causes qui déterminent le sexe, M. Canestrini expose une hypothèse qui lui paraît s’accorder avec les faits connus et présenter les avantages des autres théories sans leurs inconvénients. D’après lui, le sexe dépendrait du nombre de spermatozoïdes qui agissent sur l’ovule. « Quand l’intervention des spermatozoïdes est nécessaire, dit-il, s’ils sont en très petite quantité, ils font accomplir les premières phases du développement à l’œuf, qui avorte ensuite. Une plus grande quantité lui donne une vie plus longue et fait naître une femelle ; une quantité plus grande encore produit le sexe mâle. »

Je signalerai encore quelques pages sur la « sélection civile » conséquence de l’état social, et qui donne aux vainqueurs dans la « lutte civile » les places les plus élevées dans la société, et sur l’application à la politique de la théorie de Darwin. Au point de vue idéal, « la théorie darwinienne doit prendre parti pour celle (la forme du gouvernement) qui accorde la plus grande part à la lutte civile et appelle tous les éléments (de la société) à collaborer au bien commun. » « Ce que le darwinisme exige, c’est seulement que tout homme soit mis en mesure de lutter, pour améliorer sa condition, par tous les moyens dont il dispose ; il réprouve donc toute forme de servitude qui mettrait l’homme au niveau des animaux domestiques et ces privilèges qui ne sont pas nés du mérite personnel et tendent à établir entre les hommes une distance assez démesurée pour décourager le moins favorisé dans la lutte civile. » Les assertions de M. Canestrini ne me semblent pas indiscutables. La question, à mon sens, n’est pas bien posée, mais ce n’est pas le lieu d’examiner longuement ce point.

Fr. Paulhan.