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notices bibliographiques

le loge dans la berline avec des valets et des caisses vides, l’envoie à ses administrés et pendant ce temps s’enfuit par un autre chemin. Il y a dans ce chapitre une lacune regrettable. M. Labour, qui insiste si longuement sur tant de détails secondaires, néglige complètement le problème de la disgrâce de Montyon. Le mot disgrâce est à peine prononcé, et nulle part mention n’est faite du procès si important de La Chalotais.

Le chapitre sur le seigneur de village est presque tout entier occupé par des extraits de la correspondance de M. de Montyon et de son homme d’affaires. C’est à cette correspondance que se borvent d’ailleurs l’inédit et le piquant du volume. Le « bienfaiteur de l’humanité » y apparaît d’une dureté et d’une avarice que Mme de Créqui qualifiait de sordide. Après cette lecture, on comprend que la mémoire de M. de Montyon soit peu populaire dans ses villages. En bon avocat, M. Labour s’efforce d’atténuer l’éloquence de ces documents ; mais à quoi bon ? Ne voyons-nous pas chaque jour des avares charitables ?

Le causeur n’apparaît pas sous un jour meilleur. C’était pour les femmes de qualité un « sanglier philanthrope » pour les femmes de condition, « le grenadier de la robe. » M. Labour cite dans ce chapitre des appréciations de Montyon sur l’abbé Terray, Turgot, Necker, Calonne, Orry, Maupeou, souvent sévères, toujours étudiées et concises. Pourquoi n’avoir pas rejeté ces fragments de l’œuvre dans le chapitre consacré au publiciste ?

Avec la plupart de ses contemporains, Montyon était catholique-philosophe, c’est-à-dire catholique un peu tiède, de plus disciple de Rousseau et d’Adam Smith : il devait donc être philanthrope. La première ondation de M. de Montyon consiste en un prix annuel (1780) pour des expériences utiles aux arts. C’est en 1782 qu’il adressa aux académiciens un mémoire anonyme, dans lequel il annonçait l’établissement des prix de vertu. Suspendues pendant la Révolution, ces fondations furent remises en vigueur au retour des émigrés. Enfin, par son testament, que M. Labour reproduit in extenso, le philanthrope léguait le quart de son immense fortune (6,802,422 fr. 95 cent.) aux Académies, le reste à l’administration charitable de Paris, abstraction faite de quelques donations particulières. Le volume se termine par des emprunts, nécessairement fastidieux, aux éloges académiques.

C. H.

G. Canestrini. — La theoria di Darwin criticamente esposta. — Biblioteca scientifica internazionale, vol. XXV, in-8o, 350 p. Milano, fratelli Dumolard.

Le livre M. Canestrini est un excellent exposé de la doctrine de Darwin, dont l’auteur est un défenseur convaincu. En 1877, il avait déjà fait paraître un livre fait à un autre point de vue, mais destiné, comme celui-ci, à faire connaître le darwinisme en Italie. La théorie du savant anglais ne peut que gagner à avoir un tel interprète. L’étude consciencieuse, substantielle de M. Canestrini offre partout une grande clarté et se lit avec l’intérêt le plus vif. L’auteur étudie d’abord la théorie de