Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/639

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
635
spencer. — des gouvernements composés.

Les Romains sont un exemple de la formation d’une autorité composée dans des conditions au fond analogues à celles auxquelles les Grecs étaient soumis, bien qu’en partie différentes. À l’époque la plus ancienne de son histoire, le Latium était occupé par des sociétés de village, unies pour former des cantons ; et ces cantons formaient une ligue à la tête de laquelle se trouvait Albe, le canton qui passait pour le plus ancien et le plus illustre. Cette association était destinée à assurer la défense commune. Ce qui le prouve, c’est que chaque groupe de villages-clans composant un canton avait une forteresse commune sur un lieu élevé, et aussi que la ligue des cantons avait pour centre et place de refuge Albe, la position la plus forte aussi bien que la plus ancienne. L’indépendance réciproque des cantons était telle, qu’ils se faisaient la guerre : d’où nous pouvons conclure que, lorsqu’ils s’unissaient pour la défense commune, c’était sur le pied d’égalité. Ainsi, avant que Rome existât, le peuple qui la forma se trouvait habitué à un genre de vie où, avec une grande subordination dans chaque famille et chaque clan, et une subordination partielle dans chaque canton (qui était gouverné par un prince, un conseil d’anciens, une assemblée de guerriers), existait l’union des cantons, qui n’étaient aucunement subordonnés l’un à l’autre. Lorsque les habitants des trois cantons, les Ramniens, les Titiens et les Luceres, commencèrent à occuper le sol où Rome s’élève, ils y apportèrent avec eux leur organisation politique. Les plus anciens patriciens romains portaient les noms des clans ruraux appartenant

    fut simplement l’homme qui mit la dernière main à l’œuvre d’autrui. Nous pouvons raisonnablement soupçonner que l’œuvre n’a été celle d’aucun homme, mais simplement l’effet des besoins et des conditions. Ce qui le prouve, c’est l’institution des repas publics. Si l’on demande ce qui arrivera d’un petit peuple qui durant longtemps s’est répandu de tous côtés en conquérant, et a contracté dans cette vie le mépris de tout travail ; qui lorsqu’il n’est pas occupé à la guerre passe son temps à des exercices qui le rendent propre à la faire, il est clair que l’habitude de s’assembler chaque jour pour ces exercices entraînera pour chacun l’obligation ; d’apporter chaque jour ses provisions de bouche. Comme il arrive dans les pique-niques, où les participants apportent leur part au repas commun, il s’établira naturellement une certaine obligation touchant les qualités et la quantité des aliments, obligation qui, répétée chaque jour, passera de la coutume dans la loi et finira par s’appliquer spécifiquement au genre et à la quantité d’aliments. En outre, il faut s’attendre que la loi s’établisse à une époque où, les aliments étant grossiers et peu variés, la simplicité du régime, primitivement forcée, finira par être censée voulue, comme un régime ascétique délibérément conçu. Quand j’ai écrit ces lignes, je ne savais pas que M. Paley avait fait connaître, dans le numéro de février 1831 du Fraser’s Magazine, que chez les Grecs des derniers temps c’était un usage commun d’avoir des dîners où chaque convive apportait sa part de provisions, et que ceux qui apportaient peu de chose et consommaient beaucoup étaient l’objet de railleries. Ce fait ajoute à la probabilité de l’idée que nous venons d’émettre sur l’origine du repas spartiate.