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à ces cantons. Lorsqu’ils s’établirent sur les collines du Palatin et sur le Quirinal, conservèrent-ils leurs anciennes divisions cantonales ? la chose n’est pas certaine, quoique probable à priori. Quoi qu’il en soit, on a la preuve qu’ils se fortifiaient les uns contre les autres aussi bien que contre l’ennemi du dehors. Les hommes de la montagne du Palatin et les hommes de la colline du Quirinal étaient habituellement en guerre : il y avait même des dissensions entre les divisions secondaires du groupe qui occupait le Palatin. La Rome primitive, dit Mommsen, « était plutôt un agrégat de villes qu’une ville unique, » Enfin l’on peut admettre que les clans qui fondèrent ces villes apportèrent avec eux leurs inimitiés, non seulement parce qu’ils fortifiaient les collines sur lesquelles ils se fixaient, mais même les maisons des familles anciennes et puissantes ressemblaient un peu à des forteresses.

À Rome, il y avait donc un groupe de petites sociétés indépendantes, parentes par le sang, mais en partie hostiles, qui devaient se coaliser contre les ennemis à des conditions auxquelles elles pussent acquiescer. Dans la Grèce primitive, les moyens de défense étaient, ainsi que Grote le fait remarquer, supérieurs aux moyens d’attaque ; il en était de même dans la Rome primitive. D’où il résulte que, s’il était facile de faire régner une autorité coercitive dans chaque famille et dans chaque petit groupe, il était malaisé d’étendre cette autorité sur plusieurs groupes, puisqu’ils se fortifiaient les uns contre les autres. De plus, la rigueur du gouvernement dans chaque groupe constituant de la cité primitive se trouvait atténuée par la facilité qu’il y avait d’échapper à l’un d’entre eux et de se faire admettre dans un autre, ainsi que nous l’avons vu chez les tribus simples, lorsque l’autorité devient par trop rude ou déserte ; et nous pouvons admettre que, dans chacun de ces établissements réunis en un groupe, l’exercice de la force par les chefs, des maisons puissantes sur ceux des maisons moins puissantes rencontrait un frein dans la crainte que l’émigration ne vînt affaiblir le clan et fortifier le voisin. Les circonstances firent donc que lorsque, pour la défense de la cité primitive, la coopération devint nécessaire, les chefs des clans renfermés dans chaque établissement eurent des pouvoirs égaux. Le sénat primitif était le corps des anciens des clans ; et « cette assemblée d’anciens était le vrai dépositaire du pouvoir politique » : c’était a une assemblée de rois ». En même temps, les chefs des familles dans chaque clan, formant le corps des bourgeois, se tenaient pour des raisons analogues sur un pied d’égalité. Primitivement, pour le commandement à la guerre, il y avait un chef élu, qui était aussi le premier magistrat. Quoique dépourvu de l’autorité que conférait une origine