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spencer. — des gouvernements composés.

donna naissance à une grossière autorité composée, qui, en dépit des effets centralisateurs de la guerre, se conserva sous diverses formes.

Quand on trouve des résultats analogues chez des hommes de race différente, mais occupant des régions semblables, le doute qui enveloppe les causes de ces résultats doit se dissiper. Sur le territoire, moitié terre moitié mer, formé par les alluvions déposées par le Rhin et les fleuves adjacents, existaient dès les temps les plus reculés des familles éparses. Vivant sur des dunes isolées ou dans des cabanes élevées sur des pilotis, elles étaient si bien en sûreté parmi leurs criques, leurs bancs de sable et leurs marais, qu’elles échappèrent au joug des Romains. D’abord elles vécurent de pêche, faisant par-ci par-là la chétive agriculture qu’elles pouvaient plus tard, s’adonnant à la marine et au commerce, elles devinrent un peuple qui, à la longue, rendit son sol plus habitable en refoulant la mer par des digues. Ce peuple jouit longtemps d’une indépendance partielle, sinon complète. Au troisième siècle, « les Pays-Bas contenaient le seul peuple libre de la race germanique. » Les Frisons en particulier, plus éloignés des envahisseurs que le reste de la nation, « s’associèrent avec les tribus établies sur les limites de la mer du Nord et formèrent avec elles une confédération fameuse sous le nom de ligue saxonne. » Bien que plus tard des habitants des Pays-Bas aient subi le pouvoir des Francs, la nature de leur habitat ne cessa pas de leur donner de tels avantages dans leur résistance à une autorité étrangère qu’ils se constituèrent à leur guise, en dépit des défenses qui leur furent faites. « Depuis Charlemagne, le peuple de l’antique Ménapia, devenu une république prospère, forma des associations politiques pour opposer une barrière au despotisme des Francs. » En même temps, les Frisons, qui, après des siècles de résistance aux Francs, furent obligés de céder et de rendre de petits services en guise de tributs, conservèrent chez eux leur autonomie. Ils formèrent « une confédération de provinces maritimes soumises à un gouvernement grossier, mais qu’elles créaient elles-mêmes. » Chacune des sept provinces se partageait en districts gouvernés chacun par des chefs électifs avec leurs conseils, et l’ensemble était soumis à un chef électif général et à une assemblée générale.

Entre les exemples tirés de l’histoire moderne, il faut citer ceux qui attestent les effets d’une région montagneuse. Le plus important est naturellement celui de la Suisse. Entourées de forêts, « parmi les marais, les rochers et les glaciers, des tribus de bergers éparpillés, depuis l’époque de la conquête romaine, trouvèrent un refuge contre les envahisseurs de l’Helvétie. » Leurs troupeaux paissaient invisibles dans les labyrinthes des Alpes, accessibles seulement à ceux qui en