Enfin, à l’exemple de la Suisse il faut ajouter celui de Saint-Marin ; cette petite république, assise sur le penchant des Apennins, et dont le centre est placé sur un rocher de mille pieds d’altitude, a conservé son indépendance durant quinze siècles. Les huit mille âmes qui la composent sont gouvernées par un sénat de 60 membres et par des capitaines élus tous les six mois ; des assemblées populaires y sont convoquées dans les occasions importantes. Il y a une armée permanente de dix-huit hommes ; « l’impôt s’y trouve réduit à rien ; » et les officiers ont pour traitement l’honneur de servir.
Les gouvernements composés nés dans les conditions physiques dont nous venons de donner des exemples, se distinguent les uns des autres par une différence remarquable qu’il ne faut pas négliger : c’est celle qui sépare le régime oligarchique du régime plus ou moins populaire. Comme nous venons de le voir, si chacun des groupes unis par la coopération militaire est gouverné despotiquement, si les groupes se forment séparément sur le type patriarcal, ou sont séparément gouvernés par des hommes censés issus des dieux, le gouvernement composé est de ceux où la masse du peuple n’a aucune part. Mais si, comme dans les exemples modernes, l’autorité patriarcale est tombée en décadence, ou si la croyance à la filiation divine est minée par une croyance en désaccord avec elle ; ou si les habitudes pacifiques ont affaibli l’autorité coercitive que la guerre fortifie toujours ; alors le gouvernement composé cesse d’être une assemblée de petits despotes. Avec le progrès de ces changements, ce gouvernement passe de plus en plus des mains de ceux qui exercent le pouvoir non par droit de position, mais par droit de nomination.
Il y a d’autres conditions qui favorisent la formation des gouvernements composés, temporaires sinon permanents : à savoir celles qui se rencontrent à la dissolution des organisations précédentes. Chez les peuples habitués de temps immémorial au gouvernement personnel, animés de sentiments appropriés à ce gouvernement, sans idée d’autre chose, la chute d’un despote est aussitôt suivie de l’élévation d’un autre ; ou, si un grand empire autocratiquement gouverné tombe, ses parties se donnent chacune un gouvernement du même genre. Mais, parmi les peuples moins serviles, la destruction de systèmes politiques à gouvernements simples peut être suivie de l’établissement d’autres systèmes à gouvernements composés, surout lorsque la séparation s’opère simultanément entre parties qui n’ont pas de gouvernement local d’un genre stable. Dans de telles circonstances, il se fait un retour à l’état primitif. Le système régulatif préexistant étant tombé, les membres de la société demeurent
