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sans aucun pouvoir dirigeant, sauf la volonté du peuple ; et, l’organisation politique devant se reconstituer sur nouveaux frais, la forme la première adoptée ressemble à celle qu’on voit dans l’assemblée de la horde sauvage ou dans la réunion publique moderne. D’où résulte bientôt la forme politique où le gouvernement par un petit nombre d’élus est soumis à l’approbation du grand nombre.

On peut citer comme exemple la formation des républiques italiennes. Lorsque, durant le xie et le xe siècle, les empereurs allemands qui avaient longtemps usé leur puissance à refréner les rivalités locales en Italie et les outrages de bandes de pillards, ne furent plus en état de protéger les communautés sujettes de leur autorité, et que, par un effet simultané, ils n’exercèrent plus sur elles qu’une autorité amoindrie, les villes italiennes se trouvèrent dans l’obligation de se donner une organisation politique propre, en même temps qu’elles purent le faire. Bien que dans ces villes il existât des vestiges de la vieille organisation romaine, ce régime était tombé en désuétude ; en effet, au moment du danger, les citoyens s’assemblaient au son d’une grande cloche, pour concerter entre eux les moyens de leur défense commune. C’est sans doute dans ces occasions qu’apparurent les rudiments des constitutions républicaines qui se formèrent plus tard. On allègue, il est vrai, que les empereurs allemands octroyèrent aux villes le droit de se donner ces constitutions ; mais il est raisonnable d’admettre plutôt que, soucieux seulement de recevoir les tributs de ces villes, ils ne firent aucun effort pour les empêcher de s’organiser dans leur nouveau régime. Sismondi a beau dire que le peuple des villes « chercha à se constituer sur le modèle de la république romaine » ; on peut se demander si, à cette époque d’ignorance, ces peuples en savaient assez long sur les institutions romaines pour subir l’influence de ce savoir. Il est bien plus probable que « l’assemblée de tous les hommes en état de porter les armes, dans la grande place, » primitivement appelés à prendre des mesures pour repousser les agresseurs, assemblée qui, au début, a dû être dirigée par un groupe de citoyens puissants, et a dû choisir ses chefs, fut le gouvernement républicain dans sa forme rudimentaire. On aurait d’abord tenu des assemblées de ce genre en des circonstances urgentes, et on aurait peu à peu pris l’habitude de les réunir pour décider sur toutes les questions importantes d’intérêt public. La répétition aurait introduit une plus grande régularité dans la procédure et une plus grande précision dans les divisions, pour finir par des gouvernements politiques composés, présidés par des chefs élus. Ce qui montre que les choses se sont passées ainsi dans les temps reculés dont il ne nous reste qu’une histoire vague,