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HERBERT SPENCER. — la société industrielle

comparer en détail les époques subséquentes et les changements qui s’y produisirent : il suffira d’indiquer les faits principaux. A partir de la date à laquelle, pour les causes que nous venons d’indiquer, le gouvernement parlementaire se trouva définitivement établi en Angleterre, durant un siècle et demi, jusqu’aux guerres des deux Roses, les troubles intestins furent rares et peu graves en comparaison de ceux qui éclataient en France ; à la même époque, au contraire, sans oublier que les guerres entre l’Angleterre et la France avaient bien plus pour théâtre la France que l’Angleterre, la France soutint des guerres sérieuses avec les Flandres, la Castille, la Navarre et surtout avec la Bourgogne. Il résulta de cette différence que la puissance populaire, exprimée en Angleterre par la Chambre des communes, s’établit et s’étendit, tandis que la puissance acquise en France par les États généraux s’évanouit. Il ne faut pas oublier que les guerres des Roses, prolongées près de trente ans, ramenèrent l’absolutisme. Continuons l’examen des différences entre l’Angleterre et la France. Pendant un siècle et demi après ces guerres civiles, la paix intérieure ne subit que de rares et légères atteintes, et les guerres que l’Angleterre eut à soutenir contre des royaumes étrangers ne furent pas nombreuses et se firent comme d’habitude hors du sol anglais. Durant cette période, le mouvement rétrograde inauguré par la guerre des Roses fut renversé, et la puissance populaire grandit beaucoup, de sorte que Bagehot a pu dire que « le parlement servile de Henri VII fit place au parlement murmurant d’Elisabeth, celui-ci au parlement mutin de Jacques Iere et ce dernier au parlement rebelle de Charles Ier. Dans le même temps, la France se trouvait engagée, pendant le premier tiers de cette période, dans des guerres à peu près incessantes avec l’Italie, l’Espagne et l’Autriche, et pendant les deux autres tiers dans des guerres civiles, religieuses et politiques : ce qui fit que, en dépit de résistances de temps en temps renouvelées, la monarchie devint de plus en plus despotique. Pour bien faire voir les types sociaux différents qui se sont développés dans ces conditions différentes, il faut comparer non seulement les constitutions politiques des deux nations, mais aussi leurs systèmes d’autorité sociale. Remarquez ce qu’ils étaient au moment où commença la réaction qui aboutit à la Révolution française. D’accord avec la théorie du type militaire d’après laquelle l’individu appartient à l’État corps et biens, on proclamait, si l’on ne l’appliquait pas, la doctrine que le monarque était le propriétaire universel ; et les charges imposées aux propriétaires fonciers étaient si lourdes que plusieurs d’entre eux aimaient mieux abandonner leurs domaines que de payer. Outre la main mise de l’État sur la propriété, il y avait main mise