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permanentes des États européens (pp. 269, 284, 995, 309), félicitant les termites de ce que leurs traîneurs de sabre sont moins nombreux et moins insolents que les soldats prussiens vis-à-vis des citoyens qui les nourrissent : ou quand il dit de ces mêmes termites que leur antipathie très prononcée pour la lumière du jour nous permet de les ranger au nombre des obscurantistes, d’autant plus qu’ils sont monarchistes et ont une armée permanente, ou enfin quand il définit l’État des abeilles une monarchie communiste ou une monarchie démocratico-socialiste, forme politique dans le genre de celle que Napoléon III a semblé un moment vouloir introduire en France, alors qu’il était en coquetterie réglée avec les classes ouvrières, toutes ces gentillesses ou ces vues profondes nous semblent peu propres à assurer le progrès de la science sociale (voir encore pages 309, 313, 315, 374, 384 et suivantes, 406 et suivantes, des rapprochements analogues). Il y a dans tous ces développements un sentimentalisme, une prétention à la moralité, une emphase en un mot, qui réservent des impatiences aux savants qui seront le plus disposés à la reconnaissance envers l’auteur pour la peine qu’il a prise de rassembler tant de faits et d’analyser avec clarté tant d’ouvrages originaux.

A. Espinas.

Pirmez (Eudore). — De l’unité des forges de gravitation et l’inertie. — Bruxelles, Bruylant-Christophe et Cie, 1881. — In-8, 282 pages.

L’enseignement actuel de la mécanique rationnelle a été constitué sur l’hypothèse de l’action à distance des forces, hypothèse qui se prête le plus commodément à l’analyse mathématique, mais que les progrès de la science semblent rendre de moins en moins acceptable si l’on veut en changer le caractère et en faire le point de départ d’une explication synthétique de l’ensemble des phénomènes de la nature. Il n’y a donc point lieu de s’étonner que les principes de la dynamique commencent à subir des critiques ou même des attaques plus ou moins sérieuses.

On n’a point d’ailleurs à se méprendre sur la portée de ces critiques et de ces attaques ; pour le mathématicien, la force, cause des productions ou modifications de mouvement, n’a qu’une existence purement subjective, et les formules sous lesquelles il énonce les principes de dynamique sont, dans cet ordre d’idées, à l’abri de toute objection valable. Mais, pour le physicien, la situation est tout autre, car il a à trancher la question de savoir si les forces que constate l’expérience ont, oui ou non, une réalité objective.

Dans la thèse affirmative, la force sera regardée par lui comme une propriété de la matière, et, quoi qu’on en puisse dire, la communication du mouvement au contact étant, en dernière analyse, aussi peu expli-