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ANALYSES. — CH. BASTIAN. Le cerveau.

défini plus haut, à propos du sens musculaire. Comment s’appliquent aux mouvements volontaires ces impressions kinesthétiques ? Un exemple le montrera bien : si quelqu’un prend sur une table une petite boule de coton dans laquelle on a caché un lourd morceau de plomb, la détermination initiale du mouvement supposé suffisant, produite par les centres visuels, devra être rectifiée ; et, dans ce cas, elle le sera évidemment à l’instigation de ce que Bastian appelle les impressions kinesthétiques. Comme il semble que ces impressions ne sont en définition que des impressions centripètes on sensitives auxquelles s’en ajoutent d’autres, non conscientes (c’est bien de cette manière que Bastian les entend quand il les fait servir à l’explication du sens musculaire, ainsi qu’on l’a vu), on ne comprendrait pas mieux pourquoi elles appartiendraient à une faculté spéciale qu’on ne comprendrait cette faculté même, chargée de nous donner la conception des mouvements nécessaires à la satisfaction de nos désirs. Où serait en effet une idée prévenante de cette nature, alors qu’il y a pour l’exécution adaptée de tous les mouvements un processus d’éducation ? Les petits enfants ne coordonnent leurs mouvements qu’après bien des essais, qui constituent précisément la période d’instruction musculaire indispensable et n’apprécient qu’après d’aussi nombreux essais la somme de force qu’il leur faut déployer pour accomplir un mouvement. L’auteur fait ressortir cette nécessité de l’éducation avant que les impressions kinesthétiques puissent nous diriger seules (p. 174, 175). Enfin, comme le sens du mouvement est une faculté en partie instinctive, par là il se rattache à l’acquisition héréditaire.

Si maintenant on se reporte à la définition que l’auteur a donnée de la volonté, on reconnaîtra que la première partie n’en a guère été étudiée. La volonté en effet ne concerne pas seulement la faculté que nous avons de mouvoir notre corps ; c’est aussi le pouvoir de commencer ou de différer certaines actions de l’esprit. Il semble que le phénomène du désir dont il parle un instant aurait dû appeler l’attention de M. Bastian sur ce côté de la question. Il n’en est rien, Et cependant la physiologie de la volition, si l’on peut ainsi s’exprimer, n’est pas faite. Maudsley l’a bien tentée, mais, à la manière des anciens psychologues, il à peut-être plus décrit qu’expliqué. D. Ferrier paraît avoir trouvé un moyen d’éclairer le sujet, si l’on admet avec lui l’existence de centres modérateurs dans le cerveau et que ces centres constituent le principal facteur dans la concentration de la conscience et le contrôle de l’idéation (voy. Fonctions du cerveau, p. 462 de la trad. fr). De fait, la volonté ne consiste souvent qu’en un phénomène d’arrêt, C’est là encore un point sur lequel M. Bastian ne s’est pas arrêté, il est permis de le regretter d’autant plus qu’on pouvait attendre de lui un examen sérieux et instructif de la nouvelle théorie de Brown-Séquard de l’inhibition et de la dynamogénie.

Sans donc s’occuper de ces questions, l’auteur passe tout de suite à une classification des mouvements en mouvements hérités par l’indi-