Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
revue philosophique

marquera assurément l’importance de cette démonstration qui s’accorde avec la théorie psychologique de M. W. James sur le sentiment de l’effort (voy. la Critique philosophique, 1881), opposée à toutes les idées de Maine de Biran et de ses successeurs spiritualistes. Bastian, pas plus que Ferrier, n’admet de sens musculaire spécial, et il estime que ce qu’on appelle ainsi résulte d’ « impressions de tension et de pression transmises par des nerfs sensitifs ordinaires venant des membres en mouvement, par exemple des muscles, des articulations et de la-peau, et peut-être, en outre, de certaines impressions inconscientes venant par des nerfs afférents spéciaux des centres moteurs spinaux. » (p. 282.) Mais, depuis 1869, il a modifié ce dernier point de sa thèse, grâce au progrès de nos connaissances sur l’existence de nerfs sensitifs dans les muscles. Aussi n’éprouve-t-il plus « aucune difficulté à croire que quelques-unes des fibres sensitives des muscles, qui entrent dans la moelle par les racines postérieures des nerfs spinaux, puissent transmettre au cerveau ces impressions « inconscientes », presque toujours présentes, qui nous guident d’une façon si matérielle dans l’exécution de tous nos mouvements. » (p. 285.) C’est ainsi que tous les mouvements restent intacts, par exemple dans certains cas d’hémianesthésie d’origine cérébrale, et que le malade peut s’habiller, manger, etc., sans aide ; et ce fait, en même temps qu’il enlève toute valeur à la théorie de Wundt, Bain et autres, montre la grande part d’inconscience qu’il y a dans la connaissance de la position de nos membres et des états et degrés de contraction de nos muscles,

La question des localisations domine encore tout ce qui concerne la volonté et les mouvements volontaires (ch. XXVI). L’auteur définit, comme Locke, la volonté « un pouvoir de commencer ou de différer, de continuer ou de cesser diverses actions de notre esprit ou divers mouvements de notre corps, par une simple pensée ou un simple choix de notre esprit » ; mais il explique plutôt la seconde partie de cette définition que la première, Comme les mouvements peuvent être provoqués non seulement par des sensations ou des émotions, mais encore par des idées, il convient de les distinguer en sensori-moteurs et idéo-moteurs ; c’est lorsque le désir s’interpose entre une sensation ou une idée et le mouvement évoqué que le mouvement a droit au titre de volontaire, Cette distinction est due à James Mill. Quand les actions volontaires se compliquent, il entre en outre dans la volition une idée ou conception du genre de mouvement nécessaire à la satisfaction du désir et, conséquemment, partie constituante de cette volition. Ce serait là une faculté en partie instinctive, en partie le résultat de l’éducation individuelle, mais non pas simplement un instinct locomoteur, comme quelques-uns l’ont pensé, ou le produit d’intuitions motrices, comme l’a dit Maudsley ; cette faculté n’est pas quelque chose de mystérieux, comme on va le voir : elle consiste, d’après l’auteur, en nos impressions kinesthétiques. Ce khinœsthesis de Bastian est un produit assez complexe (voy. p. 165) ; c’est le sens du mouvement, tel qu’il vient d’être