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ANALYSES. — CH. BASTIAN. Le cerveau.

combinaisons motrices inférieures, de manière à donner naissance à tous les mouvements qui sont désirés ou qui ont coutume de se produire en réponse à des sensations ou à des idées particulières. » (p. 197.)

Peut-on considérer le problème des localisations cérébrales en général, qui vient d’être posé à peu près dans tous ses termes, comme résolu ? C’est au lecteur à se décider dans un sens ou dans l’autre. Ainsi posée, d’ailleurs, la question est plus physiologique que psychologique.

Plus d’un quart du second volume est consacré au langage et à la parole, à l’écriture et à leurs troubles (ch. XXII, XXVIII, XXIX, XXX). Cette étude est une des plus originales de l’ouvrage ; on sait en effet que M. Bastian a insisté, un des premiers, sur les distinctions psychologiques à établir dans l’aphasie.

En ce qui concerne la question philosophique de l’origine et de l’usage du langage, l’auteur admet, d’une part, avec Lewes, que le langage dans lequel nous pensons et les conceptions que nous employons sont des produits sociaux déterminés par les activités de la vie collective : et, d’autre part, avec Mansel, que le langage « est antérieur à la pensée et postérieur à la sensation. Toutes les conceptions sont formées au moyen de signes qui n’ont d’abord représenté que des objets individuels. » ({pp. 68, 69.) En d’autres termes, nous ne pouvons former de concepts sans signes ou noms ; toutefois, comme le pense St, Mill, pour la formation de notions générales simples, les images visuelles peuvent tenir lieu de mots. Mais, comme dans chaque chose les points de ressemblance viennent en avant, les noms s’associent spécialement à ces points et ainsi forment les notions générales ou concepts. C’est là l’origine de tout le développement ultérieur de la pensée, puisque la pensée consiste en des séries de jugements et que sans concepts il n’y a pas de jugements. On voit toute l’importance du langage pour Bastian. Il adopte, somme toute, — car ce chapitre est peu original — la fameuse théorie de de Bonald, que Max Müller a faite sienne, sur l’unité de la pensée et du langage. — Enfin le langage constitue pour lui la différence capitale entre l’intelligence humaine et l’intelligence de l’animal,.

Quant aux questions qui touchent à la parole et à l’écriture, M. Bastian les traite avec ce grand talent dont la source est dans une exacte et complète connaissance de tous les faits (ch. XXVIII). La parole n’étant en réalité qu’un système de mots articulés, adoptés conventionnellement pour représenter d’une manière extérieure les processus intérieurs de la pensée, il faut d’abord étudier comment le jeune enfant arrive à comprendre une langue, puis comment il acquiert le pouvoir d’articuler lui-même les sons. Cette acquisition ne peut être regardée que comme une opération motrice, dans laquelle les centres perceptifs auditifs jouent un grand rôle. Le pouvoir de lire et celui d’écrire sont des arts surajoutés à celui du langage articulé.

Mais il peut survenir des troubles dans les processus de relation qui