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existent entre nos facultés de percevoir, de penser, de parler et d’écrire. Ces troubles dépendent de lésions limitées ou de blessures de diverses parties de cerveau (chapitre XXIX). L’auteur remarque avec raison qu’une étude de ce genre est une tentative, faible sans doute, mais réelle, pour arriver à connaître les processus intermédiaires, d’une si grande complexité, qui ont lieu dans les centres nerveux supérieurs entre l’arrivée des impressions centripètes, la production des stimuli centrifuges et la sortie des courants centrifuges. Ces processus sont des phases médianes, élaborées, du « processus réflexe » typique, tel qu’il existe chez les organismes inférieurs ou dans les centres nerveux inférieurs des organismes élevés. — On trouvera dans le livre de M. Bastian le détail de toutes nos connaissances sur les troubles de la mémoire verbale, c’est-à-dire les troubles dans l’association des idées des choses ou des conceptions avec les idées de mots (amnésie verbale paralytique ou incoordonnée), et sur les troubles dans l’association des idées de mots avec les mouvements verbaux de la parole, ou de l’écriture, ou des deux ensemble (aphasie, agraphie, aphémie). On comprend qu’il est impossible, dans une place restreinte, de discuter toutes les questions traitées dans ce chapitre avec une rare compétence par M. Bastian ; toutes les distinctions qu’il établit, distinctions surtout psychologiques, offrent un vif intérêt et pourront être mises à profit par les philosophes. C’est ainsi que la distinction entre l’amnésie et l’aphasie est particulièrement remarquable.

Ces descriptions sont suivies d’un essai sur la localisation dans les centres nerveux des lésions dont il vient d’être parlé. En ce qui concerne le siège de l’aphasie dans la troisième circonvolution frontale gauche, la question n’est pas aussi simple que le croyait Broca. L’auteur discute toute la théorie (pp. 267-271). La localisation de l’amnésie est encore bien vague. A plus forte raison ne peut-on dans l’état actuel de la science parler sûrement de la localisation de certaines facultés supérieures, intellectuelles et morales. « L’auteur est toutefois fermement convaincu que tout processus supérieur, intellectuel ou moral, — aussi bien que tout processus inférieur sensoriel ou perceptif, — entraîne l’activité de certains réseaux de fibres et de cellules, en relation réciproque dans l’écorce cérébrale, et dépend absolument de l’activité fonctionnelle de ces réseaux. Il rejette cependant, d’une manière aussi nette, la notion avec laquelle certaines personnes voudraient associer cette doctrine : c’est-à-dire la supposition que les hommes ne sont que des « automates conscients ». (p. 276.)

La conscience en effet n’est pour M. Bastian rien de mystérieux, apparaissant en dehors et au-dessus des mouvements moléculaires qui ont lieu dans certains centres nerveux ; c’est un phénomène naturel, résultant de quelque chose qui se meut et entrant dans le circuit des actions nerveuses. On voit par ce dernier détail comme Bastian se sépare de la théorie de Maudsley sur la conscience, simple épiphénomène pour l’auteur de la Physiologie de l’esprit. Mais « montrer comment se pro-