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H. MARION. — françois glisson

apparu : c’est le replacer dans son vrai jour, seul moyen d’en bien voir le caractère propre. Car tout n’est pas original dans les plus originales productions du génie. Bien que l’esprit humain soit vraiment créateur, il n’y en a pas moins continuité dans son histoire : chacune de ses créations doit quelque chose à ce qui a été pensé auparavant, détermine en partie ce qui sera pensé dans la suite. En vain on serait tenté de faire exception pour Leibnitz. Sa puissance d’invention est, il est vrai, merveilleuse ; mais plus que personne il plonge dans le passé par son érudition et son goût de l’histoire ; plus que personne il a commerce, par une activité sans pareille et une curiosité sans limites, avec toute la philosophie et toute la science de son temps.

I

On sait peu de chose de la vie de Glisson[1]. « Second fils de sir William Glisson, de Rampisham (Dorset), et petit-fils de sir Walter Glisson, de la cité de Bristol, » il naquit la même année que Descartes (1596), dans la province où vivait la famille de Locke. Il fit ses études à Convil and Caius College, dans l’Université de Cambridge, où il prit le grade de bachelier ès arts en 1620 et celui de maitre ès arts en 1624. On étudiait longtemps en ce temps-là. Bien que devenu fellow de son collège, il quitte Cambridge pour aller compléter ses études à Oxford. C’est là qu’il fut reçu docteur en médecine, en 1634, à l’âge de trente-sept ans pour le moins. À peine revenu à Cambridge en qualité de « professeur royal de médecine », le collège des médecins de Londres l’appela à titre d’agrégé, pour lui confier bientôt après, 1639, la chaire d’anatomie. Durant la guerre entre le roi et le parlement, nous le trouvons à Colchester, exerçant la médecine. Birch nous apprend même que, pendant le siège de cette ville en 1648, il habitait la paroisse de Sainte-Marie-aux-Murs, ce qui témoigne de recherches consciencieuses et donne à croire que ce n’est pas la faute de ce biographe s’il n’a pas recueilli plus de détails sur son personnage.

De retour à Londres, Glisson donna en 1650 son premier ouvrage : Du rachitisme ou de la maladie des enfants vulgairement appelée

  1. Toutes les biographies médicales, tous les dictionnaires historiques de la médecine donnent son nom et une indication rapide de ses travaux (Lindenius renovatus ; Hutchinson, Aikin, Chalmers, Eloy, Dézeimeris, Daremberg, etc., etc.) ; mais les renseignements sur sa vie et sa personne sont partout également maigres. J’emprunte ce que j’en vais dire à Birch, Hist. of the Roy. Soc. of London, t. III, p. 356.