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ANALYSES. — THURY. Succession des espèces.

la période antérieure de repos. Sous l’influence des mêmes causes générales profondes qui amènent la crise, les nouveaux modes de reproduction sont complétés ou mis en jeu. Ainsi se dispersent dans les eaux et dans le sol les germes de nouvelles espèces d’animaux et de plantes, qui ne tardent pas à se développer à l’aurore des temps nouveaux, lorsque le calme renait.

« De leur berceau, qui est la région de combat, les espèces nouvelles se répandent graduellement dans les contrées d’alentour, qui donnent en échange quelques-unes de leurs anciennes espèces, Ainsi se forment des régions botaniques et zoologiques dont chacune a son âge distinct. »

Telle est l’hypothèse. Elle invoque en sa faveur des analogies sérieuses. Le résultat différent de la reproduction par bourgeon ou par graine donne à penser « que, s’il fallait produire des types supérieurs aux variétés, c’est-à-dire de nouvelles espèces, individus d’ordre supérieur et très différents de ceux d’où ils sortent, la nature organiserait un mode de reproduction plus puissant que le mode ordinaire et proportionné au but qu’il s’agit d’atteindre. Le caractère de permanence, nous écrit M. Thury, n’est donné aux formes nouvelles que par un acte de génération proprement dite, déterminant à la fois la production de nouveaux types, leur existence comme individualités distinctes et leur puissance intrinsèque de conservation… Chez tous les animaux, la production du germe est un acte, et le développement du germe une fois produit un autre acte, qui s’accomplit toujours dans un lieu différent, soit au dehors de l’organisme, soit au dedans. Dans plusieurs espèces vivipares les jeunes, au sortir de l’œuf, peuvent se suffire à eux-mêmes, sans le secours des parents. Dans les vivipares, le lien d’amour s’exprime par la dépendance des jeunes ; mais ne pourrait-il pas se faire que si des espèces différentes procèdent les unes des autres, le lien d’amour perdant sa raison d’être, l’organisme soit de nouveau constitué en vue de l’indépendance originelle des jeunes ?

« Dans l’état actuel de la science, dit le dernier mémoire, il n’y a pas beaucoup de hardiesse à parler de modes inconnus de reproduction » car l’observation attentive des êtres inférieurs, chez lesquels beaucoup de choses s’ébauchent ou se préparent, a révélé des modes de reproduction longtemps inconnus, singuliers et multiples, quelquefois accumulés par trois ou quatre différents chez le même être. L’observation des êtres inférieurs a montré aussi quelle est l’influence extraordinaire des milieux sur les métamorphoses, qui sont un genre spécial de renouvellement ou de résurrection. De plus, on a constaté le fait que certains modes de reproduction relativement supérieurs, par exemple l’oviparité chez les hydres, ne se montrent parfois qu’à d’assez longs intervalles, et lorsque des circonstances particulières les favorisent, »

Si l’on ne peut pas dire que notre hypothèse soit démontrée, ajoute l’auteur en terminant, il en est de même de celle de la descendance.

Assurément elle ne l’est pas ; cependant il existe entre les deux une