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ANALYSES. — DE DOMINICIS. Dottrina dell’ Evoluzione.

sophie, et je lui accorde volontiers qu’elle est seulement un système, dont les vrais facteurs sont les progrès des sciences et de la critique philosophique dans ces quarante dernières années. Mais j’aurais quelque peine à reconnaître que l’évolutionisme n’est qu’une forme perfectionnée du positivisme. Le philosophe italien abonde pourtant dans son sens à tel point, qu’il va jusqu’à soutenir une opinion que les positivistes les plus fervents n’auraient pas imaginée. « Il me paraît impossible, dit-il, d’arriver à une juste conception de la doctrine de évolution, abstraction faite d’Auguste Comte. » Et sur quelles raisons M. de Dominicis fonde-t-il son dire ? Sur les suivantes : « C’est surtout dans le comtisme que se trouvent les véritables bases de la philosophie scientifique ; c’est seulement dans le comtisme qu’est faite cette critique objective et historique de la métaphysique, après laquelle il est impossible qu’elle se relève jamais. Grâce au comtisme, la négation absolue ( ?) de tout monde transcendantal, la foi dans la science, dans le progrès de l’humanité et dans la nécessité d’une transformation sociale, ont acquis une valeur qui manquait aux doctrines philosophiques antérieures à Comte et qui ne se trouve même pas entière dans des auteurs venus bien après lui. »

Si c’est dans le Cours de philosophie positive, dans le Discours sur l’ensemble du positivisme et la Politique positive d’Auguste Comte, et même dans le livre de M. Littré sur Auguste Comte et la philosophie positive, qu’il faut prendre connaissance du comtisme, je déclare, quant à moi, que j’aurais beaucoup à rabattre des mérites attribués à cette doctrine, ne serait-ce que relativement à la philosophie des sciences.

Sans prétendre qu’Auguste Comte n’avait qu’une connaissance superficielle des sciences physiques, on peut lui reprocher de n’en avoir pas su saisir les grands traits, d’avoir accepté ou rejeté fort à la légère certaines théories qui méritaient d’être mûrement examinées : par exemple, il réfutait la théorie de l’éther, base fondamentale des ondes lumineuses, en indiquant simplement l’existence de la nuit ; il trouvait « Cuvier brillant, mais superficiel ; » il stigmatisait l’abus des recherches microscopiques, quelques années avant l’apparition de l’histologie moderne ; il estimait la phrénologie une grande science et la psychologie une chimère, etc., etc. Mais, dira-t-on, ce sont là erreurs de l’homme et non du système ; soit. Tout au moins me sera-t-il permis de chercher dans sa loi des trois états, et surtout dans sa classification des sciences, les droits qu’Auguste Comte peut avoir à l’autorité scientifique ? La Loi des trois états est jugée ; on ne la discute même plus. Quant à la classification des sciences, elle est des plus arbitraires. Que penser de la valeur scientifique d’un système qui fonde la zoologie et la botanique sur la physiologie générale, l’étude spéciale des êtres vivants sur l’étude générale des lois de la vie, qui prélude aux connaissances concrètes par les connaissances abstraites ; qui range d’ailleurs dans les sciences abstraites l’astronomie, la physique, la chimie, la biologie, sciences qui ont leurs racines dans l’étude des êtres concrets et vivants ?