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notices bibliographiques

psycho-physiologique qui s’établit entre les excitations externes et les réactions de nos organes.

Il en résulte qu’il y a des sons que l’on perçoit, quoiqu’ils ne soient pas sentis. C’est sous cette formule que M. Gamucci exprime un phénomène bien connu des musiciens, et suivant lequel il y a, dans certains cas, substitution dans la perception, à la note qui en est l’objet, d’une autre note, déterminée subjectivement par les lois de la tonalité.

Quoique, ainsi que le fait remarquer notre auteur, la faculté de produire les sons qui nous sont suggérés par une phrase musicale donnée distingue les perceptions auditives de celles relatives aux autres organes des sens, on peut, à notre avis, et au moins dans une certaine mesure, assimiler cette suppléance d’un son réel par un son imaginé, aux illusions qui se produisent pour d’autres sens, notamment pour la vue et pour le tact.

Mais l’analyse de ces illusions particulières au sens auditif, si loin qu’elle ait été poussée par les spécialistes, par exemple pour ce qu’on appelle l’attraction des sons, n’a jamais été traitée d’une façon véritablement philosophique, et les difficultés que présente la technique de l’art rendent la matière à peu près inabordable pour les simples amateurs. Elle est donc et sera donc encore longtemps loin d’être parfaitement élucidée, et pour le moment nous ne pouvons que signaler, sans l’approfondir davantage, la contribution apportée par M. Gamucci.

Ses dernières explications établissent au reste ce qui ne ressortait pas suffisamment de sa thèse primitive, à savoir que l’illusion auditive doit correspondre à une vibration réelle des nerfs acoustiques, et que le fait qu’elle n’est pas produite directement par les excitations du dehors ne lui enlève pas absolument tout caractère physiologique. Je ne puis m’empêcher d’autre part de faire remarquer que l’évolution, si évolution y a, embrasse évidemment notre constitution tout entière et non pas seulement le « sujet psychologique ».

Quoi qu’il en soit, et pour en revenir au problème qui fait l’objet du mémoire de M. Gamucci, voici comment il résume la solution qu’il lui donne :

« La musique des Grecs était en substance l’imitation artistique des inflexions de la voix et des mouvements rhythmiques exprimant matériellement les d’verses émotions de l’âme. »

Il insiste sur les relations intimes que cette musique avait avec la danse, et la définit comme imitative et analytique, tandis que la musique moderne serait expressive et synthétique.

Avec la tendance qu’offrait la musique des Grecs, les accords simultanés pouvaient paraître désagréables aux anciens, à cause des battements qui se produisent entre les harmoniques des sons, en dehors de l’unisson et de l’octave. Pour nous au contraire, que l’évolution de la race ou l’éducation esthétique ont habitués à attribuer aux accords un caractère expressif, — qui, par exemple, considérons la quinte comme un intervalle de repos, fermant la progression de l’accord par-