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fait, — nous ne supporterions pas une succession continué de quintes, combinaison qui était jugée agréable jusqu’au. xe siècle. De même, la quarte, qui semble l’intervalle par excellence de la musique grecque, n’est plus considérée comme une consonance depuis le xiiie siècle.

En somme, ces explications sont assez vagues, et elles ne nous apprennent guère plus que ce que l’on savait déjà : que l’harmonie moderne a pour fondement essentiel l’accord parfait ; que les intervalles de cet accord, la tierce majeure et la tierce mineure, n’ont jamais été employés par les Grecs que successivement ; qu’enfin, tandis que l’introduction de diverses parties dans le chant et dans l’orchestration a conduit les modernes à l’adoption nécessaire du tempérament, — l’oreille suppléant, sous le charme de l’harmonie, au défaut d’exactitude des intervalles mélodiques, — le développement de la tonalité antique s’est fait sur le terrain de la pure mélodie, et a entraîné, à une certaine époque, le raffinement excessif de l’oreille et les subtiles distinctions des diverses colorations [1].

Quant au pourquoi de toute cette histoire, quant à la loi de toute cette évolution, si nous arrivons jamais à nous en rendre parfaitement compte, ce ne sera que par une connaissance beaucoup plus approfondie et de cette histoire elle-même et des conditions scientifiques auxquelles est soumise l’esthétique musicale. Je me plais à reconnaître que le travail de M. Gamucci donne, à ce dernier point de vue, d’utiles renseignements, et renferme d’ingénieuses remarques ; mais il m’est difficile de le considérer comme épuisant la matière d’une façon définitive et comme élucidant complètement la question principale qu’il s’est proposé de traiter.

Paul Tannery.

N. Fornelli. L’Insegnamento publico ai tempi nostri. Roma, Forsani edit, 1881.

M. Saisset écrivait naguère : « Il y a de nos jours trois grands foyers philosophiques en Europe ; j’espère qu’avant la fin du siècle il y en aura un quatrième en Italie et un cinquième peut-être en Espagne. » La prédiction du philosophe français semble assez près de se vérifier pour l’Italie, qui a montré sa vitalité littéraire et philosophique dans la première moitié du siècle, et qui, depuis bientôt vingt ans, jouit déjà, dans l’essor de sa pensée, du sentiment nouveau pour elle de la liberté. Elle étudie, elle s’enquiert, elle s’essaye à produire, et elle produit beaucoup ; en philosophie, en pédagogie, si elle n’est pas encore originale, elle est féconde.

Le nouveau livre de M. N. Fornelli est un de ceux qui méritent le plus un bienveillant accueil en deçà des monts. Quoiqu’il ne rentre pas directement dans les cadres de la Revue philosophique, il se rattache

  1. Voir notre quatrième article sur l’Education platonicienne, dans le numéro de décembre 1881.