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CH. SECRÉTAN. — le droit et le fait

morale, tel que nous avons cru pouvoir le formuler, principe admis directement ou indirectement par la conscience publique et par tous les penseurs qui croient encore à l’existence d’une morale. Ce n’est pas notre faute, après tout, si l’explication des faits qui en résulte offre quelques traits communs avec les opinions diverses de Pythagore, de Platon et de Paul. Ce n’est pas notre faute si elle touche à des traditions fort anciennes et fort répandues, à des sentiments qui se sont produits mille et mille fois dans l’humanité. Il n’y a peut-être pas dans ces coïncidences de quoi dispenser un esprit loyal de l’apprécier en elle-même. Qu’un sentiment soit tenu par les théologiens pour hérétique, ou par les libres penseurs pour orthodoxe, et par conséquent condamné d’avance des uns et des autres, cela ne fait absolument rien à la question de vérité. Toutefois, il est si commode de juger sur l’étiquette, que nous escomptons d’emblée cette double fin de non-recevoir. Qui sait même si les deux motifs ne seront pas combinés dans une troisième sentence, et si quelque critique, émancipé pour son propre compte, ne nous objectera pas victorieusement que notre théologie est « une opinion particulière » ? Cela s’est vu, car dans les rangs mêmes des philosophes on ne rougit pas toujours d’en appeler aux préjugés. Il en est que nous n’avons point l’espoir de vaincre, heureux si les considérations que nous avons présentées, si le point de vue que nous avons essayé d’ouvrir ou de rappeler, attirait les regards de quelques personnes dont le siège ne fût pas fait, et dont l’esprit vraiment libre accorderait une égale attention à tous les ordres de phénomènes, en cherchant à les classer suivant leur véritable importance,

C. Secrétan.