Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
E. PANNIER. — syllogisme et connaissance

l’expérience, l’expérience peut la transformer, et en fait il est certain que nos idées se modifient, se déterminent par l’expérience. Nous aurons à établir la conciliation de ce principe avec la notion du raisonnement.

Ajoutons que le syllogisme n’est pas le seul mode d’emploi des tendances générales développées en nous par l’expérience. Dans la plupart des circonstances usuelles, ces tendances entrent en acte spontanément, des que l’occasion leur est offerte de se manifester, et se traduisent par un acte ou une conception pratique, sans l’interposition de combinaisons mentales spéciales ayant pour effet de représenter : 1o la tendance générale, sous forme de majeure ; 2o l’occasion actuelle avec les circonstances qui déterminent l’application de la tendance, sous forme de mineure ; enfin 3o le résultat pratique de cette manifestation, sous forme de conclusion. Nous ne sommes pas alors en présence d’actes présentant les caractères d’un raisonnement syllogistique, par cette raison que de tels actes ne sont pas un raisonnement. Ils représentent le fait rudimentaire, dont le raisonnement est un développement volontaire et systématique.

II

On reproche en second lieu au syllogisme de ne pouvoir rendre compte de certaines conclusions auxquelles on assure cependant qu’il nous est impossible d’arriver autrement que par voie de raisonnement. On peut citer, dit-on[1], des affirmations qui ne relèvent pas directement de l’expérience et qui n’en sont pas moins essentiellement extra-syllogistiques.

On objecte encore l’impossibilité pour la raison de parcourir les diverses propositions d’un syllogisme et d’en déduire une conséquence sans rendre hommage à quelque vérité abstraite et nécessaire impliquée dans tout syllogisme, et que nous serions néanmoins impuissants à formuler d’une manière exacte et intelligible. Ce serait là un des indices de cette impossibilité dont on parle et qui atteint dans son principe le conception syllogistique[2].

Cette double objection ne présente en réalité que deux faces de la même idée et se résout par les mêmes considérations.

  1. Spencer, ibid., § 303, trad., t. II, p. 94.
  2. Spencer, ibid., § 304, trad., t. II, p. 96.