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Le syllogisme implique-t-il une idée première, une de ces vérités qui représentent, suivant M. Spencer, le terme le plus élevé de l’expérience, une idée nécessaire[1] ?

Le syllogisme, suivant nous, ne suppose aucune idée il implique une résolution.

La constance que nous apportons à tenir cette résolution constitue et embrasse l’entier développement de l’acte syllogistique.

Dès que nous raisonnons, nos idées se dépouillent de leur caractère pratique pour revêtir la forme de décrets de la volonté. Elles ne sont plus que des règles pour l’emploi de certains mots[2].

Ces règles prennent le nom, suivant les circonstances, d’hypothèse, donnée, loi, principe, axiome, postulatum, définition

Soit la figure ABC un triangle : voilà une hypothèse ou une donnée.

Soit un triangle, la figure limitée par trois portions de droites qui se coupent dans un plan voilà une définition.

Soit la partie, quelque chose qui existe dans le tout et qui est plus s petit que lui voilà une double définition qui se formule en axiome. Il en est de même de la proposition Il n’y a pas d’effet sans cause.

Soit la mesure de l’attraction de deux masses élémentaires et à la distance  : voilà une loi ou un principe.

Enfin, soit une propriété de toutes les parallèles à une même droite de ne pouvoir se confondre en un point sans se confondre entièrement voilà un postulatum, qui n’est rien de plus qu’une manière de compléter la définition du plan dans lequel on considère ces parallèles[3].

Le caractère commun de ces formules ou résolutions, qui est la source unique de leurs propriétés logiques, est de présenter deux termes que l’on promet de considérer comme converses l’un de l’autre, dont on s’engage à opérer, le cas échéant, la substitution, dans toutes les dispositions exigées par un énoncé quelconque où ils peuvent figurer.

  1. Spencer, ibid., § 445, in fine, trad., t. II, p. 468.
  2. Voyez Saleta, Principes de logique positive, p. 108 et passim, Paris, Germer Baillière, 1873. Cet ouvrage, dont l’auteur n’a publié encore, à notre connaissance, que la première partie, nous paraît avoir jeté une vive lumière sur tout cet ordre de questions.
  3. Il s’agit ici du postulatum d’Euclide, qui n’est pas applicable d’une manière générale à toutes les parallèles situées dans un plan quelconque, et qui par suite ne peut être démontré, tant qu’on n’a pas introduit dans la définition du plan quelque élément qui détermine à quelle variété l’on se réfère. (Consultez Saleta, Exposé sommaire de l’idée d’espace, Paris, Dunod, 1872. Tannery, Revue philosophique, t. II, p. 443, et t. III, p. 553. Helmholtz, Revue scientifique, 16 juin 1877, tome XII, p. 1197.)