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ANALYSES. — A. CHIAPELLI. Panthéisme de Platon.

clusions de la Raison pratique ? Quant à croire que l’exécution de son plan ait amoindri ses profondes convictions éthiques au profit des subtilités des antinomies, c’est se figurer qu’un esprit systématique tient plus aux détails qu’à l’ensemble de son système.

Pour en revenir à Platon, que peut-on reprocher à l’interprétation des mythes par Teichmüller, lorsque celui-ci y voit des symboles dont les seuls initiés ont la clef ? Le manque de caractère dont Platon devrait être accusé pour n’avoir pas osé publier sa véritable doctrine, pour l’avoir au contraire présentée sous des dehors qui devaient nécessairement tromper la masse des lecteurs. Mais que ce soit par manque de caractère ou pour tout autre motif qu’une telle conduite ait été tenue, elle est en tout cas d’accord avec les principes avoués de Platon. Ne recommande-t-il pas ouvertement aux législateurs de se servir vis-à-vis du peuple de fables seulement accommodées à leurs opinions ? Pourquoi ne pas vouloir qu’il ait précisément cherché à donner des modèles de ces fables ?

D’ailleurs, pour nous faire les juges de Platon, pour déclarer qu’il devait professer la vérité à tout prix et au risque d’encourir, sans utilité aucune, le sort de Socrate, ne sommes-nous pas incompétents ? Connaissons-nous assez les Athéniens, et avons-nous le droit d’affirmer que la règle, bonne pour nous, est applicable à Platon, sans aucune circonstance atténuante ?

En résumé, M. Chiappelli a composé un livre excessivement sérieux, dont l’étude ne peut être que fructueuse, et qui devra au moins être consulté par quiconque désirera approfondir le débat actuel. Mais ses conclusions principales me paraissent difficiles à soutenir, et la position intermédiaire qu’il a prise est peut-être la moins commode à garder.

Paul Tannery.