Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
392
revue philosophique

individuel est un minimum, la part des circonstances extérieures un maximum. Nous retombons dans cette forme inférieure de la volonté étudiée plus haut[1] qui consiste en un « laisser faire ».

Il ne faut jamais oublier non plus que vouloir c’est agir, que la volition est un passage à l’acte. Réduire, comme on l’a fait quelquefois, la volonté à la simple résolution, c’est-à-dire à l’affirmation théorique qu’une chose sera faite, c’est s’en tenir à une abstraction. Le choix n’est qu’un moment dans le processus volontaire. S’il ne se traduit pas en acte, immédiatement ou en temps utile, il n’y a plus rien qui le distingue d’une opération logique de l’esprit. Il ressemble à ces lois écrites qu’on n’applique pas.

Ces remarques faites, entrons dans la pathologie. Nous diviserons les maladies de la volonté en deux grandes classes, suivant qu’elle est affaiblie ou abolie.

Les affaiblissements de la volonté, qui seuls feront l’objet de cet article, sont réductibles à trois groupes principaux :

1o Ceux qui résultent d’une absence d’incitations suffisantes ;

2o Ceux qui sont dus à des émotions déprimantes dont le résultat est de produire un arrêt ;

3o Ceux qui viennent d’une insuffisance du pouvoir d’arrêt ou d’inhibition.

Enfin nous examinerons à part les affaiblissements de l’attention volontaire.

I

Le premier groupe contient des faits d’un caractère simple, net et dont l’examen est instructif. À l’état normal, on en trouve une ébauche dans les caractères mous qui ont besoin, pour agir, qu’une autre volonté s’ajoute à la leur ; mais la maladie va nous montrer cet état sous un prodigieux grossissement.

Guislain a décrit en termes généraux cet affaiblissement que les médecins désignent sous le nom d’aboulie. « Les malades savent vouloir intérieurement, mentalement, selon les exigences de la raison. Ils peuvent éprouver le désir de faire ; mais ils sont impuissants à faire convenablement. Il y a au fond de leur entendement une impossibilité. Ils voudraient travailler et ils ne peuvent… Leur volonté ne peut franchir certaines limites : on dirait que cette force

  1. Voir Revue philosophique, juillet 1882, pp. 63-30.