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général de la sensibilité ; ce qui est atteint, c’est la vie affective, la possibilité d’être ému. Cet état morbide lui-même, d’où vient-il ? C’est un problème d’un ordre surtout physiologique. À n’en pas douter, il y a chez ces malades une dépression notable des actions vitales. Elle peut atteindre un degré tel que toutes les facultés sont atteintes et que l’individu devient une chose inerte. C’est l’état que les médecins désignent sous les noms de mélancolie, lypémanie, stupeur, dont les symptômes physiques sont le ralentissement de la circulation, l’abaissement de la température du corps, l’immobilité presque complète. Ces cas extrêmes sortent de notre sujet ; mais ils nous révèlent les causes dernières des impuissances de la volonté. Toute dépression dans le tonus vital, légère ou profonde, fugitive ou durable, a son effet. La volonté ressemble si peu à une faculté régnant en maitresse qu’elle dépend à chaque moment des causes les plus chétives et les plus cachées : elle est à leur merci. Et cependant, comme elle a sa source dans les actions biologiques qui s’accomplissent dans l’intimité la plus profonde de nos tissus, on voit combien il est vrai de dire qu’elle est nous-mêmes.

II

Le deuxième groupe ressemble au premier par les effets (affaiblissement de la volonté), par les causes (influences dépressives). La seule différence, c’est que l’incitation à agir n’est pas éteinte. Le premier groupe présente des causes positives d’inaction, le deuxième groupe des causes négatives. L’arrêt résulte d’un antagonisme.

Dans toutes les observations qui vont suivre, l’affaiblissement volontaire vient d’un sentiment de crainte, sans motif raisonnable, qui varie de la simple anxiété à l’angoisse et à la terreur qui stupéfie. L’intelligence parait intacte dans certains cas, affaiblie dans d’autres. Aussi quelques-uns de ces cas sont d’un caractère indécis, et il est difficile de dire s’ils dénotent une maladie de la volonté seule[1].

L’observation suivante fait la transition d’un groupe à l’autre : à vrai dire, elle appartient aux deux

  1. Il est bon de faire remarquer une fois pour toutes que, n’étudiant ici que les désordres exclusivement propres à la volonté, nous avons dû éliminer les cas où l’activité psychique est atteinte dans sa totalité et ceux où les désordres de la volonté ne sont que l’effet et la traduction du délire intellectuel.