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courts[1]. Cet état d’exubérance psychique, quelle qu’en soit la cause (fièvre, anémie cérébrale, émotion), aboutit toujours au même résultat.

Entre cet état et l’attention, il y a donc un antagonisme complet : l’un exclut l’autre. Ce n’est d’ailleurs qu’un cas particulier de l’exagération des réflexes ; seulement il s’agit ici de réflexes psychiques ; en d’autres termes, tout état de conscience actuel tend à se dépenser, et il ne peut le faire que de deux manières : produire un mouvement, un acte ; ou bien éveiller d’autres états de conscience suivant les lois de l’association. Ce dernier cas est un réflexe d’ordre plus complexe, un réflexe psychique, mais il n’est comme l’autre qu’une forme de l’automatisme.

2o La deuxième forme nous ramène au type de l’aboulie : elle consiste en une diminution progressive du pouvoir directeur et une impossibilité finale de l’effort intellectuel.

« Dans la période initiale de certaines maladies du cerveau et de l’esprit, le malade se plaint d’incapacité à gouverner et à diriger la faculté de l’attention. Il trouve qu’il lui est impossible, sans un effort visible et pénible, d’accomplir son travail mental accoutumé, de lire ou de comprendre le contenu d’une lettre, d’un journal, même une ou deux pages de quelque livre favori ; l’esprit tombe à un état vacillant, incapable de continuité dans la pensée.

« Conscient de cet affaiblissement d’énergie, le malade tâche à la reconquérir ; il prend un livre, résolu à ne pas céder à ses sensations d’incapacité intellectuelle, de langueur psychique, de faiblesse cérébrale ; mais souvent il découvre qu’il a perdu tout pouvoir d’équilibre mental, de concentration et de coordination de ses idées. Dans ses tentatives pour comprendre le sens de ce qu’il a sous les yeux, il lit et relit avec résolution, avec une apparence d’énergie victorieuse certains passages frappants, mais sans être capable de saisir un ensemble d’idées très simples ou de poursuivre avec succès un raisonnement élémentaire. Cette tentative, surtout si elle est soutenue, de faire converger l’attention sur un point, accroît souvent la confusion de d’esprit et produit une sensation physique de lassitude cérébrale et de céphalalgie[2] ».

Beaucoup de paralytiques généraux, après avoir traversé la période de suractivité intellectuelle, celle des projets gigantesques, des achats immodérés, des voyages sans motif, de la loquacité incessante, où la volonté est dominée par les réflexes, en viennent à la

  1. Moreau, Du hachich et de l’aliénation mentale, p. 60. Richet, Les poisons de l’intelligence, p. 67.
  2. Forbes Winslow, On the obscure Diseases of the Brain, etc., p. 26.