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il n’y parvient que par une force additionnelle qui est l’intervention de la volonté.

Par quel mécanisme agit-elle ? Autant qu’il semble, par un arrêt de mouvements. Nous revenons ainsi à ce problème de l’inhibition, plus obscur ici que partout ailleurs. Voyons ce qu’on peut supposer à cet égard. D’abord, il est à peine nécessaire de rappeler que le cerveau est un organe moteur, c’est-à-dire qu’un grand nombre de ses éléments sont consacrés à produire du mouvement et qu’il n’y a pas un seul état de conscience qui ne contienne à un degré quelconque des éléments moteurs. Il s’ensuit que tout état d’attention implique l’existence de ces éléments. « Dans les mouvements de nos membres et de notre corps, nous avons le sentiment très net d’une opération. Nous l’avons à un degré moindre dans l’ajustement délicat de nos yeux, de nos oreilles, etc. Nous ne le reconnaissons que par induction dans l’ajustement encore plus délicat de l’attention et de la compréhension, qui sont aussi, et sans métaphore, des actes de l’esprit. Les combinaisons intellectuelles les plus pures impliquent des mouvements (avec les sentiments concomitants) aussi nécessairement que la combinaison des muscles pour manipuler. Le sentiment d’effort ou de repos éprouvé quand nous cherchons ou trouvons notre route à travers une masse d’idées obscures et enchevêtrées, n’est qu’une forme affaiblie du sentiment que nous avons en cherchant ou en trouvant notre route dans une forêt épaisse et sombre[1]. »

Rappelons encore que tout état de conscience, surtout lorsqu’il est très intense, tend à passer à l’acte, à se traduire en mouvements, et que, dès qu’il entre dans sa phase motrice, il perd de son intensité, il est en déclin, il tend à disparaître de la conscience. — Mais un état de conscience actuel a une autre manière de se dépenser : c’est de transmettre sa tension à d’autres états d’après la mécanisme de l’association. C’est, si l’on veut, une dépense interne au lieu d’une dépense externe. Toutefois, l’association qui part de l’état présent ne se fait pas d’une seule manière. Dans l’attention spontanée, certaines associations prévalent seules et d’elles-mêmes, par leur propre intensité. Dans l’attention voulue (la réflexion en représente la forme la plus élevée), nous avons conscience d’une irradiation en divers sens. Bien mieux, dans les cas où nous avons beaucoup de peine à être attentifs, les associations qui prévalent sont celles que nous ne voulons pas, c’est-à-dire qui ne sont pas choisies, affirmées comme devant être maintenues.

Par quel moyen donc les plus faibles sont-elles maintenues ? Pour

  1. Lewes, Problems of life and Mind, 3e série, p. 397.