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ANALYSES. — L. BOURDEAU. Théorie des sciences.

rement un tel objet, et M. Bourdeau n’a pu en faire abstraction dans son exposé de sa Dynamique. En revanche, il est incontestable que l’astronomie renferme une partie théorique d’un caractère général. Toute la question se réduit dès lors à distinguer ce qui dans l’étude des phénomènes célestes doit être considéré comme général, par exemple les lois de Képler, comme particulier, par exemple la sélénographie. Mais cette distinction n’a qu’un intérêt théorique assez restreint.

Le troisième point enfin ne me semble pas justifié davantage. L’étude des effets de la pesanteur sur les corps solides, liquides ou gazeux comporte de fait une partie théorique qui ouvre naturellement le programme de la physique, où ces effets ne peuvent être négligés ; elle comprend d’autre part des recherches qui rentrent dans les applications de la science et où intervient la considération d’autres forces, élasticité, frottement, etc., dont il appartient également à la physique d’étudier les lois générales. En faisant rentrer le plan de ces recherches dans sa Dynamique, M. Bourdeau a commis une confusion dont le caractère apparaitrait nettement si l’on essayait de développer cette science suivant le programme qu’il lui trace.

La seconde innovation caractéristique dans la classification générale de notre auteur consiste dans la constitution d’une science des formes — comprenant la cristallographie en même temps que l’étude anatomique des végétaux et des animaux — et d’une science des fonctions s’étendant de même à l’ensemble des trois règnes, mais distinguées principalement en fonctions somatiques, soumises à la loi générale de l’évolution, et en fonctions psychiques, adaptées à la loi du progrès.

J’avoue que je n’ai pu saisir quel grand avantage il peut y avoir à rapprocher l’étude des formes cristallines de celles des formes organiques, ni la fonction de croissance d’un cristal des fonctions d’un être vivant ; mais surtout je ne puis concevoir qu’on sépare l’étude de l’organe de celle de la fonction. L’une ne peut se faire sans l’autre, et le fait est si incontestable que M. Bourdeau n’a pu parler des organes sans parler en même temps des fonctions qu’ils accomplissent.

En ce qui concerne les méthodes décrites comme relatives à chaque science, notre auteur, comme on l’a vu ci-dessus, propose trois termes nouveaux pour les trois dernières sciences. C’est surtout la description de ces méthodes qui m’a paru laisser à désirer comme développement dans l’ensemble de l’ouvrage, et ce motif m’empêche d’examiner plus longuement les points relatifs à cette question des méthodes scientifiques.

Je reviens donc à la première science de M. Bourdeau, à sa logique.

C’est un lieu commun, entre philosophes, que de dire que, dans une classification des sciences, il faut quelque chose avant la Mathématique, et qu’on ne peut y mettre qu’une Logique. Mais que sera cette Logique ? Comment n’est-elle pas constituée déjà avec un développement supérieur à celui des sciences qu’elle doit précéder ? Ici commencent les difficultés, et elles sont telles que les plus ardents promoteurs de la