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dénions qu’il existe en réalité quelque chose comme la « pure sensation » ou la « pure pensée ».

À la suite d’une longue discussion où nous ne pouvons le suivre, l’auteur arrive à cette conclusion « que la nature implique un principe qui n’est pas naturel ». « En appelant ce principe non naturel, nous voulons dire qu’il n’est ni renfermé parmi les phénomènes qui, grâce à sa présence, forment une nature, qu’il ne consiste pas dans leur série, qu’il n’est lui-même déterminé par aucun des rapports qu’ils constituent entre eux. » Ce qui prouve que l’homme n’est pas simplement un phénomène ou une succession de phénomènes, qu’il ne consiste pas en une série d’événements naturels, c’est ce fait que les phénomènes lui apparaissent comme ils le sont, que pour lui ou pour sa conscience il y a une chose telle que la nature.

L’auteur, dans la fin du second article, critique assez longuement l’expression courante « phénomènes de conscience » : « Quelque chose autre que la succession des phénomènes est aussi nécessaire dans la conscience qui perçoit les faits que pour la possibilité du monde des faits lui-même. »

La perception ordinaire implique donc une action spirituelle irréductible aux phénomènes. Toutefois, nous n’avons pas établi complètement le caractère en apparence paradoxal de la perception journalière en disant simplement que c’est une détermination d’événements dans le temps par un principe qui est hors du temps. Cette affirmation ne peut être expliquée « qu’en supposant que dans le développement de notre expérience, que dans le processus par lequel nous apprenons à connaître le monde, un organisme animal, qui a son histoire dans le temps, devient graduellement le véhicule d’une conscience éternelle, complète. Ce que nous appelons notre histoire mentale n’est pas une histoire de cette conscience, qui en elle-même n’a pas d’histoire, mais une histoire du processus par lequel l’organisme humain devient son véhicule. » Ce terme « otre conscience » peut signifier l’une de ces deux choses : ou bien une fonction de l’organisme animal avec sa succession d’états variant d’un moment à l’autre, ou bien la connaissance véritable, en dehors du temps, qui n’est pas un devenir et par laquelle toutes les sensations prennent un sens.

Toute cette discussion sur les conditions de la connaissance a pour but d’arriver à une conclusion sur la position que l’homme occupe dans ce système de phénomènes et de rapports qu’on appelle la nature, en d’autres termes sur sa liberté : conclusion d’où dépend la possibilité de la morale comme distincte de la physique.

L’auteur détermine d’une manière générale le sens du mot cause, pour déterminer d’une manière plus précise ce qu’il faut entendre par une « cause libre ». C’est celle dans laquelle l’agent doit agir absolument de lui-même. Une question se pose : Lorsque nous avons ainsi déterminé le mot cause par une épithète qui la distingue de toute autre dans le monde des phénomènes, ce mot a-t-il encore un sens pour nous ?