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REVUE DES PÉRIODIQUES ÉTRANGERS


Mind,
A quarterly review of psychology, etc. April-July 1882.

T. H. Green. Peut-il y avoir une science naturelle de l’homme ?

(2e et 3e article.) L’auteur commence par prévenir contre un malentendu que le premier article a pu causer[1]. Il ne se propose pas de discuter la possibilité et la valeur d’une science naturelle, étudiant la nature humaine sous certains aspects. Toute la question est de savoir si cette science atteint le principe dernier de la connaissance et de la moralité chez l’homme. Après avoir rappelé la différence établie par Kant entre la nature « materialiter spectata » et « formaliter spectata », M. Green établit que cette distinction entre la matière et la forme de l’expérience est le résultat d’une abstraction inévitable. It est évident que cette affirmation que les pures sensations forment la matière de l’expérience n’a d’autre garantie que l’histoire mentale de l’individu et encore, à cet égard, elle est à peine acceptable ; elle n’a d’autre base positive que ce fait que, aussi loin que notre mémoire nous reporte, nous manions quelques faits de conscience ; mais inférer de là qu’il y a eu pour nous de pures sensations antérieures à toute action de l’intelligence, c’est une abstraction qu’on peut bien exprimer par des paroles, mais sans pouvoir y attacher aucun sens réel, car la sensation est une expression qui ne représente aucune réalité. À cet égard, l’auteur pose la question sous les deux formes suivantes 1o Parmi les faits qui forment l’objet de l’expérience possible, y a-t-il des sensations qui ne dépendent pas de la pensée, pour être ce qu’elles sont ? 2o La sensation, non déterminée par la pensée, est-elle dans la conscience un élément nécessaire, formant un monde de phénomènes ?

À la première question, la réponse est négative. Un fait consistant en pure sensation est une contradiction, une impossibilité. Les sensations (feelings) sont des faits, mais elles ne le sont qu’autant qu’elles sont déterminées par des rapports qui n’existent que pour une conscience pensante et ne peuvent exister autrement. La réponse à la première question implique une réponse négative à la seconde. Nous

  1. Voir l’analyse de cet article dans la Revue, tome XIII, p. 443.