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que, quand l’une est vraie et que l’autre est fausse, il n’y a pas de « synthèse supérieure » qui puisse les réconcilier.

Un hiatus n’est pas un pont qu’on puisse utiliser ; en d’autres termes, une pure négation ne peut être l’instrument d’un progrès positif.

Les continus — temps, espace, moi — sont des ponts, parce qu’ils sont sans hiatus ; mais ils n’établissent qu’un passage partiel entre les qualités représentées, tout en faisant cependant que ces qualités fassent partie d’un monde commun.

M. James soumet à une vive critique le principe de l’identité des contradictoires ; la proposition que connaître le fini, comme tel, c’est connaître l’infini, etc., etc.

Dans une note ajoutée à son article, l’auteur dit qu’il a fait sur lui-même, avec l’oxyde d’azote, quelques expériences qui lui ont fait mieux que jamais comprendre la force et la faiblesse de la philosophie de Hegel. Leur caractère essentiel était une excitation incroyable du sens métaphysique. « La vérité s’ouvrait devant mes yeux, jusqu’au fond de ses abimes, avec une évidence presque aveuglante. L’esprit voyait tous les rapports logiques avec une subtilité et une instantanéité apparentes dont l’état normal ne donne aucune idée… » — « Une puissance inexprimable me poussait à cette conviction que l’hégélianisme était vrai, après tout. Toute idée était saisie par le même forceps logique et servait à illustrer cette vérité que toutes les oppositions s’évanouissent dans une unité supérieure ; que toutes les contradictions ne sont des différences, les différences des degrés, les degrés des nuances ; qu’une continuité interrompue est l’essence de l’être, etc., etc. » Sous l’influence de cette ivresse, l’auteur a écrit des pages dont il donne des échantillons et qui, « dépourvues de sens pour le lecteur à l’état sain, lui paraissaient alors l’illumination d’une raison infinie. »

A.-W, Benn continue et termine son étude sur le Rapport de la philosophie grecque à la pensée moderne. Étude sur Hobbes et ses rapports avec Aristote, les atomistes et Stoïciens. — La plus grande partie de l’article est consacrée à Spinoza : il a emprunté aux physiciens de l’époque primitive leur doctrine de la nécessité ; aux atomistes leur exclusion des causes finales, leur négation du surnaturel, leur infinité des mondes ; à l’école d’Athènes la distinction entre l’esprit et le corps, la raison et les sens ; à Aristote son parallélisme entre la causalité et le syllogisme ; aux Épicuriens, leur revendication du plaisir ; aux Stoïciens, leur identification de la croyance et de l’action, la domination sur les passions et le dévouement à l’humanité ; enfin c’est au platonisme dominant du xviie siècle que son système doit ses bases, son développement, son couronnement. — Le naturalisme et l’utilitarisme du xviiie siècle sont les dernières conceptions héritées directement de l’ancienne philosophie par la pensée moderne. La doctrine de l’évolution est avant tout moderne ; car les anciens qui s’en rapprochent avaient une tendance à expliquer le passé par le présent, non le présent par le passé.