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la liberté, ne doit pas nous arrêter ; nous remarquerons en passant une très judicieuse réfutation des solutions données par M. Boussinesq, M. de Saint-Venant et Cournot, qui déjà auparavant avaient tenter de concilier l’existence du libre arbitre avec la conception mécanique de l’univers.

La seconde partie a pour objet la démonstration proprement dite de la liberté ; c’est elle par conséquent qui doit nous occuper spécialement.

Quant à la troisième partie, qui explique le rôle de la liberté dans l’univers, elle ne nous retiendra qu’autant qu’elle complète le précédent article ; elle contient surtout des considérations métaphysiques et psychologiques qui ne rentrent pas dans notre cadre.

Disons de suite, pour établir nos divisions, que notre critique portera sur les points suivants : 1o la faculté accordée aux êtres libres de disposer du temps à l’exclusion de l’espace ; 2o l’omission du principe de causalité dans la considération des lois qui pourraient s’opposer à l’existence de forces dynamiques libres ; 3o l’inexactitude qu’il y a de faire de la discontinuité le caractère distinctif des mouvements libres.

Il eût suffi, à la rigueur, pour renverser le système de M. Delbœuf, de rappeler que la rigoureuse nécessité des lois mécaniques s’oppose à ce qu’une force ait la faculté de disposer du moment de sa transformation, cette faculté étant la base de tout le système. Mais c’eût été une exécution bien sommaire, et, malgré l’opinion de la plupart des savants philosophes, entre autres de M. Dubois-Reymond, qui, dans le même article où M. Delbœuf a puisé ses citations, déclare insoluble la contradiction entre la théorie mécanique de l’univers et le libre arbitre de l’homme, j’ai cru devoir, avant de porter un jugement, examiner toutes les pièces à l’appui.

I

M. Delbœuf termine son exposé des données du problème de la liberté par cette conclusion : que toute création de force est impossible. C’est là une vérité maintenant incontestable. La question est de savoir si elle n’est pas incompatible avec l’existence de forces libres. C’est ce qu’on pourrait croire de prime abord. Mais si l’on considère que l’exercice de la liberté doit consister non en une création, mais seulement en une transformation de forces, la contradiction disparaît (du moins en apparence). M. Delbœuf répond à la question en faisant voir que « par la seule loi de la conservation de