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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


L. Ollé-Laprune. Essai sur la morale d’Aristote, (Eugène Belin. Paris, 1881, 1 vol.  in-8o, 313. p. )

Il faut bien répéter des écrits des Grecs ce que l’un d’eux, prophétisant pour tous, disait de ses histoires : ce sont des œuvres pour tous les temps. D’abord parce qu’ils sont pleins de sens ; la vérité qui y est déposée a traversé les siècles et brille encore comme au premier jour dès qu’elle rencontre un esprit où, de nouveau, elle se ranime. Puis ils nous offrent les plus précieux de tous les documents : ils nous enseignent l’histoire de nos pensées. Ils étendent infiniment notre expérience. La philosophie, particulièrement, n’est que l’histoire de l’esprit ramassée dans une idée ; c’est pourquoi la philosophie de Platon et celle d’Aristote font partie intégrante de la nôtre. Enfin l’antiquité de ces textes, la rouille qui les couvre, les mutilations qu’ils ont subies, l’obscurité des mots sans vie où leur sens repose comme ces souverains d’Égypte qui dorment incorruptibles sous leurs bandelettes, tout cela est pour eux, comme pour les monuments la noirceur et les brèches de la pierre, une consécration. Aussi chaque génération fait-elle en esprit le pélerinage de Grèce. Mais, pour que tout le monde puisse aller à Corinthe, il faut qu’un cicerone habile s’offre à diriger le voyage ; il faut donc qu’à chaque génération aussi des commentateurs reprennent l’œuvre ancienne, la raniment, la mettent dans un jour favorable pour le regard de leur temps ; car, si les idées ont une lumière toujours égale, le milieu où notre œil les aperçoit varie sans cesse. C’est un service de ce genre que vient de nous rendre M. Ollé-Laprune, Ceux qui voudront étudier la philosophie morale d’Aristote ne sauraient trouver un guide plus aimable et plus érudit.

I. On peut distinguer dans l’ouvrage de M. Ollé-Laprune deux parties : l’une, d’exposition, où, « prenant plaisir à saisir et à rendre le caractère grec, le caractère original de la doctrine d’Aristote, il a essayé de l’exprimer en sa forme propre, sans lui imposer ni les proportions, ni les apparences, ni les principes de la philosophie moderne[1]  ; » l’autre, d’interprétation, où « il a porté son âme, sa façon moderne,

  1. Préface, p.  XI.