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Simplicius termine comme suit : « Il est clair, d’après ce qui précède, que Xénophane démontre qu’il n’est ni infini ni limité. Mais il le dit limité et sphérique en tant qu’il le dit semblable en toutes ses parties (διὰ τὸ παντακόθεν ὄμοιον) ; il dit aussi qu’il pense toutes choses, d’après ce vers :

Mais, sans labeur aucun, son penser mène tout. »

Il y a lieu de remarquer que les thèses : que l’univers est partout semblable à lui-même ; qu’il est sphérique, complètent celles que le traité De Melisso attribue à Xénophane.

Tout en reconnaissant qu’on ne peut aucunement se fier à ce traité pour des propositions dont l’exactitude ne serait pas reconnue d’ailleurs, Gustav Teichmüller[1] me semble s’être trop abandonné à l’illusion de croire qu’il était possible de reconstruire des raisonnements réellement faits par Xénophane, il se demande si Simplicius ne peut avoir eu, en dehors des écrits de Théophraste et du traité De Melisso, une troisième source antique, où quelque Eléate aurait habillé en prose dialectique les vers du Colophonien. Cette hypothèse hardie me paraît insoutenable ; il faut évidemment s’en tenir, jusqu’à preuve rigoureuse du contraire, à ce fait que l’école péripatéticienne seule nous a réuni les documents authentiques pour l’histoire de la philosophie ; d’autre part, attribuer des antinomies à Xénophane est un anachronisme d’au moins un siècle, et il faudrait aussi des preuves bien convaincantes pour accepter un document faisant une telle attribution.

Ed. Zeller[2] a surabondamment démontré que le traité De Melisso n’est point authentique et ne reproduit nullement les véritables doctrines de Xénophane ; il a établi avec la même force que Simplicius a compilé ce traité. Quant à Théophraste, il pense que le commentateur du vi siècle a fidèlement reproduit son texte au début du passage dont il s’agit, mais que ce texte doit être entendu, ce qui est possible à la rigueur, comme si le disciple d’Aristote avait suivi l’opinion de son maître, c’est-à-dire comme si Xénophane ne s’était pas prononcé sur la question de limitation ou d’infinitude, ni sur celle de repos ou de mouvement.

H. Diels, en dernier lieu, a montré que l’opinion de Zeller ne peut être maintenue en ce qui concerne Théophraste. En rapprochant tous les témoignages qui dérivent de cet historien, par saint Hippolyte, Plutarque, Diogène Laërce, Théodoret, il prouve que Théophraste

  1. Studien zur Geschichte der Begrife, Berlin, Weidmann, 1854, p. 591-623.
  2. La philosophie des Grecs, trad. Boutroux. — Paris, Hachette, 1882, t.  II, p. 224.