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thèse le sens ambigu de quelques expressions poétiques du Colophonien.

L’erreur de Théophraste est évidemment considérable, et sa constatation prouve assez que la critique moderne doit être aussi sévère en présence des témoignages les plus anciens dans l’histoire de la philosophie qu’en face des données plus récentes.

En tout cas, nous pouvons maintenir nos conclusions :

1o La tradition des relations de maître à disciple entre Xénophane et Parménide est absolument erronée.

2o Xénophane est un poète humoriste, non un philosophe dogmatique.

3o Il n’a pas posé l’’infinitude de l’univers comme thèse d’un attribut nécessaire de l’Un ; c’est pour lui une croyance instinctive, qui ressort de ses opinions cosmologiques ;

4o L’expression que l’univers est « semblable dans toutes ses parties » ou « égal de tous côtés » signifie seulement chez lui ce qu’il exprime autrement dans son fr.  2 :

« Tout entier il voit, tout entier il pense, tout entier il entend. »

C’est une négation de l’anthropomorphisme grossier qui attribuait aux dieux des organes spéciaux pour les sens et pour la pensée.

P. Tannery.