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LA VOLONTÉ

COMME POUVOIR D’ARRÊT ET D’ADAPTATION

Je me propose dans cet article et les suivants d’essayer pour la volonté ce qui a été fait ici même pour la mémoire[1], d’en étudier les anomalies et de tirer de cette étude quelques conclusions sur l’état normal. À beaucoup d’égards, la question est moins facile le terme volonté désigne une chose plus vague que le terme mémoire. Que l’on considère la mémoire comme une fonction, une propriété ou une faculté, elle n’e reste pas moins une manière d’être stable, une disposition psychique sur laquelle tout le monde peut s’entendre. La volonté, au contraire, se résout en volitions dont chacune est un moment, une forme instable de l’activité, une résultante variant au gré des causes qui la produisent.

Outre cette première difficulté, il y en a une autre qui peut paraître encore plus grande, mais dont nous n’hésiterons pas à nous débarrasser sommairement. Peut-on étudier la pathologie de la volonté, sans toucher à l’inextricable problème du libre arbitre ? — Cette abstention nous paraît possible et même nécessaire. Elle s’impose non par timidité, mais par méthode. Comme toute autre science expérimentale, la psychologie doit rigoureusement s’interdire toute recherche relative aux causes premières. Le problème du libre arbitre est de cet ordre. L’un des grands services de la critique de Kant et de ceux qui l’ont continuée a été de montrer que le problème de la liberté se réduit à savoir si l’on peut sortir de la chaine des effets et des causes pour poser un commencement absolu. Ce pouvoir, « qui appelle, suspend ou bannit, » comme le définit un contemporain qui l’a profondément étudié[2], ne peut être affirmé qu’à la condition d’entrer dans la métaphysique.

Ici, nous n’avons rien de pareil à tenter. L’expérience interne et

  1. Revue philosophique, 1880. Mai, août, novembre.
  2. Renouvier, Essai de critique générale, 2e édition. l. 395-406.