Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
revue philosophique

externe est notre seul objet ; ses limites sont nos limites. Nous prenons les volitions à titre de faits, avec leurs causes immédiates, c’est-à-dire les motifs qui les produisent, sans rechercher si ces causes supposent des causes à l’infini ou s’il y a quelque spontanéité qui s’y ajoute. La question se trouve ainsi posée sous une forme également acceptable pour les déterministes et leurs adversaires, conciliable avec l’une et l’autre hypothèse. Nous espérons d’ailleurs conduire nos recherches de telle manière que l’absence de toute solution sur ce point ne sera pas même une seule fois remarquée.

I

Avant d’aborder la pathologie, il est indispensable de considérer la volonté à l’état normal, mais en vue seulement du travail que nous avons entrepris et en négligeant les détails. Dans ces limites, l’unique question à étudier est celle des conditions d’existence de la volonté, et l’unique moyen de l’étudier, c’est de retracer à grands traits la genèse du pouvoir volontaire, de montrer comment se constitue par degrés « cette force de l’ordre le plus élevé que la nature ait encore produite, la dernière efflorescence consommée de toutes ses œuvres merveilleuses[1]. »

Le principe fondamental qui domine la psychologie de la volonté, à l’état sain comme à l’état morbide, c’est que tout état de conscience a toujours une tendance à s’exprimer, à se traduire par un mouvement, par un acte. Ce principe n’est qu’un cas particulier, propre à la psychologie de cette loi fondamentale que le réflexe est le type unique de toute action nerveuse, de toute vie de relation. À proprement parler, l’activité dans l’animal n’est pas un commencement, mais une fin, une cause mais un résultat, un début mais une suite. C’est là le point essentiel qu’il ne faut jamais perdre de vue et qui seul explique la physiologie et la pathologie de la volonté, parce que cette tendance de l’état de conscience à se dépenser en un acte psychologique ou physiologique, conscient ou inconscient, est le fait simple auquel se réduisent les combinaisons et complications de l’activité volontaire la plus haute.

Le nouveau-né n’est, comme l’a défini Virchow, « qu’un être spinal. » Son activité est purement réflexe ; elle se manifeste par une

  1. Maudsley, Physiologie de l’esprit, trad. fr., p. 429. On trouvera d’excellentes analyses du fait volontaire, au point de vue de la psychologie naturelle, dans cet ouvrage, ch. VII, et dans Herzen, Physiologie de la volonté, en particulier p. 39, 94.