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ANALYSES. — M. LAZARUS. Das Leben der Seele.

causes, dût-il ne pas recevoir de réponse. M. Lazarus n’admet pas la finalité (p. 391), mais il reconnaît des idées comme élément primitif et créateur, La psychologie aussi ne veut voir dans le monde que le processus éternellement en mouvement de causes et d’effets ; il n’y a rien de contraire à cela, quand elle découvre dans le domaine de la vie psychique des éléments tout à fait différents de ceux de la vie sensible, et une espèce tout aussi différente de processus. Où la psychologie finit son investigation, là commence le travail des libres idées et, dans notre question, celui de l’éthique,

Lazarus va maintenant éclairer d’un peu plus près les éléments primitifs de ce qui est moral ; mais il faut expliquer avant tout ce que les sentiments moraux ont de déterminé. Il y a là des difficultés peu ordinaires pour la psychologie (c’est que les sentiments sont bien difficiles à séparer des perceptions et représentations). L’auteur a réuni tous les sentiments moraux sous l’opposition de l’approbation et du blâme, ce qui n’est pas synonyme de plaisir et de déplaisir, comme certains le prétendent ; on peut bien ramener sous cette idée la crainte, etc. ; mais le sentiment du sublime, celui du respect ? Il s’est donc vu forcé d’admettre une variété primitive dans la détermination des sentiments.

Pour exposer la détermination variée et primitive des sentiments moraux les plus essentiels, il faut séparer d’abord ceux qui se rapportent à la religion. La nature est la source des représentations religieuses ; l’homme ne s’étudie lui-même qu’en dernier lieu ; il ne rentre en lui-même que quand il est rassasié de la nature.

C’est l’homme, être sociable, qui crée les mœurs, non l’homme individuel. C’est par l’opposition des deux que se développe le plus ce qui est moral. Si les sentiments de plaisir et de déplaisir ne sont pas la dernière expression et la condition des sentiments moraux si divers, ils sont, avec le sentiment de la conservation de soi-même, les ressorts nécessaires de l’action. Avec raison, Kant s’est élevé |énergiquement contre les théories françaises d’eudémonisme ; pour la simple conscience morale, la vraie moralité ne commence que là où la coutume et la loi déterminent l’action. Maints traits profonds de moralité, la pudeur, le sentiment de la véracité (plaisir que l’on prend à son contraire), ont peu de rapport avec la notion de plaisir et de déplaisir.

Les systèmes de la perfection et ceux de la bienveillance partent également de ce qu’on ne voit la nature humaine et son histoire que d’un côté. Le sacrifice, le dévouement sont plus haut placés.

L’auteur a voulu montrer, par cette rapide énumération des systèmes moraux, que ces systèmes n’ont chaque fois fait ressortir qu’un seul des divers éléments moraux. Or on admet généralement, Herbart par exemple, plusieurs éléments fondamentaux, primitivement différents. Des penseurs éminents, créateurs de systèmes, ont considéré des éléments différents comme les plus primitifs ou les plus essentiels. Herbart a tort de faire dériver les idées morales de la société de celles de l’individu ; l’homme, il ne cesse de le répéter, étant avant tout un