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vements moléculaires que ce que nous pouvons en apprendre par le sentiment. » — Si l’esprit cesse d’être considéré comme coextensif à la conscience, le cerveau cesse également d’être pris pour l’organe exclusif de l’esprit. On ne peut en effet tracer aucune ligne valable de démarcation entre un grand nombre d’actions nerveuses inconscientes qui ont lieu dans le cerveau et d’autres qui se passent dans la moelle et avec lesquelles les premières sont en relation continuelle. Le système nerveux est en réalité un et indivisible. — De là il résulte que l’étude des phénomènes mentaux doit être poursuivie dans plusieurs directions : à l’examen et à la classification des états de conscience ou psychologie subjective doivent s’ajouter la psychologie objective et la névrologie, la première comprenant l’étude des états subjectifs signalés chez les autres hommes et la recherche sur les états subjectifs des animaux d’après leurs actes, leurs gestes, etc. ; la seconde se divisant en anatomie, physiologie et pathologie du système nerveux dans tout le règne animal.

La description des fonctions du système nerveux commence, bien entendu, par l’action réflexe. Dans ce phénomène apparaît déjà le discernement, manifestation fondamentale de l’intelligence. On connaît en effet les expériences de Vulpian sur les grenouilles décapitées et celles, non moins célèbres et plus récentes, de Pflüger. Chez l’homme, il suffit de mentionner la fermeture des paupières devant un corps qui s’approche, l’extension des bras pendant la chute, etc. Ce n’est que par l’étude attentive des mouvements et de leurs conditions que nous apprenons quelque chose sur ce qu’il convient d’appeler la cognition inconsciente. Mais des excitations de natures nouvelles, si elles sont habituelles ou si elles reviennent fréquemment, laissent des traces dans les tissus plastiques des organismes et produisent chez ceux-ci des modifications de structure qui rendent plus aisé le retour d’impressions semblables et possible leur reconnaissance. C’est la théorie de l’acquisition héréditaire. De plus, les distinctions organiques déterminées se rendent naturellement aux mêmes régions du système nerveux central où ont été déjà transmises les impressions de nature analogue ; et il s’établit entre ces groupes de fibres nerveuses des relations, des unions intimes. Ainsi se poursuit comme une organisation de l’intelligence.

Quelles en sont les premières manifestations ? De simples distinctions organiques, ou cognitions, comme on en a vu plus haut des exemples, peuvent apparaître chez les plantes et chez les animaux inférieurs. C’est la faculté de savoir qu’on doit regarder comme la première chronologiquement (p. 133) ; elle est la conditio sine qua non des autres. Le sentiment s’y ajoute graduellement. Plus tard, à quelques-unes des actions nerveuses s’adjoint une phase subjective de plus en plus distincte, plus spécialement pendant les processus de sensation et de perception. L’auteur, suivant James Mill, définit la sensation et l’idée ; puis la perception, dont il donne une interprétation neuro-