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ANALYSES. — CH. BASTIAN. Le cerveau.

physiologique intéressante (pp. 139-140), et l’association des idées. Il n’y a entre les sensations et les perceptions que des différences de degré ; de même, dans leurs phases rudimentaires, l’émotion et l’intellect sont inséparables des simples sensations. C’est que chacune de celles-ci a deux côtés, un émotionnel et un intellectuel. Bastian reproduit à ce sujet la théorie de W. Hamilton sur la proportion inverse de la sensation et de la perception. En fait donc, la sensation est un processus mental complexe (voy. p. 142), qui donne à la fois naissance aux germes de l’intellect et à ceux de l’émotion ; il faut encore remarquer en elle un troisième élément, la volition, qui entre dans chaque perception sous forme d’attention.

Tous ces états dépendent des différents modes de l’activité fonctionnelle des centres perceptifs, et ainsi la pensée reproduit les relations vitales. C’est la doctrine de l’acquisition héréditaire qui en explique la genèse dans la série animale et réconcilie en même temps les écoles de philosophie transcendantale et de philosophie empirique ; tout savoir vient en effet de l’expérience, non pas de l’individu, sauf à un degré relativement faible, mais plutôt de sa race. En ce sens, il y a des idées innées. Les observations et les expériences de Spalding sur les perceptions, les émotions et les facultés motrices des jeunes poulets confirment bien cette manière de voir, H. Spencer a eu une idée lumineuse en considérant les formes de la pensée comme les possibilités d’affection intellectuelle et d’action qui sont léguées à un organisme dans le système nerveux déjà élaboré qu’il hérite de ses ancêtres.

Il faut maintenant expliquer l’origine de la conscience (ch. XI). On suppose qu’elle surgit à un certain point de complication des actions nerveuses. À dire le vrai, nous n’avons pas de moyen direct de nous former une opinion sur les sentiments et sur l’intelligence des divers animaux ; nous ne pouvons prendre pour guide et pour type que notre propre expérience, car chacun ne connaît les états de conscience que par lui-même et comme existant en lui-même. De là résulte l’impossibilité de déterminer à quel degré de complexité le système nerveux doit arriver pour que des manifestations subjectives puissent accompagner certaines de ses actions. En effet, comme tout sentiment quelconque est absent d’un grand nombre d’actions nerveuses, nous pouvons vérifier journellement ce fait sur nous-mêmes et sur nos semblables ; d’autre part, ce n’est pas parce qu’il existe une convenance apparente dans le mouvement qui répond à un stimulus qu’il est permis de conclure à l’existence d’une sensation à côté de l’impression correspondante, puisque la convenance de réponse paraît être presque de nécessité pour toutes les actions nerveuses qui ont été répétées assez souvent. Nous sommes cependant réduits à juger de la conscience par cette convenance, Le même genre de difficulté se présente pour apprécier les états conscients chez des animaux comme les insectes, les céphalopodes, les poissons, les reptiles, les oiseaux.

Ici s’offre à l’auteur une nouvelle question, l’étude des diverses