Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
revue philosophique

réellement), nombre de fonctions incompatibles avec la permanence de sa nature ou bien il est une substance qui n’est pas substance, ou ce n’est pas seulement un changement de quantité, un changement de nombre et de position dans les éléments qui produit les faits naturels, les phénomènes physiques et psychiques. Etait-ce bien la peine de relever si attentivement les éléments subjectifs organiques de l’esprit, pour les effacer ensuite devant un congénère qui est l’esprit lui-même, au sens classique du mot ? M. Corleo, dans sa Conclusion, s’attache à montrer, après maint autre, mais avec une certaine couleur d’originalité, que tous les systèmes historiques ont péché par une idée fausse de la substance. Nous n’avons pas à examiner si lui-même a bien défini cette idée, et s’il lui était bien utile de la définir ; nous lui reprochons seulement d’avoir raisonné contre sa propre définition.

Arrivé à l’idée du devoir, l’auteur fait sortir l’impératif catégorique de l’observation empirique. Remarquez sa définition : « Le devoir, considéré dans sa partie typique absolue, consiste dans la somme des actes à faire délibérément pour la conservation et le perfectionnement de l’individu et de l’espèce. » Maxime franchement utilitaire, quoi qu’il en pense. Cet impératif catégorique est lui-même ni plus ni moins qu’une dérivation des expériences sociales. « Si l’homme n’était pas sociable de sa nature et nécessairement et incapable de pourvoir par lui-même à sa propre conversation et amélioration, il n’aurait pas des devoirs envers soi et des droits envers les autres. » Les pages consacrées à l’éthique et à la sociologie sont conçues dans un esprit tout à la fois pratique et élevé. L’auteur a beau faire, l’empirisme y déborde l’à priori. Nous restons donc sous une bonne impression en fermant ce livre, d’ailleurs écrit de bonne foi, sans étalage d’érudition, et avec une clarté relative, chose rare en matière si ardue. Notre jugement sommaire et définitif est pourtant que ce qu’il y a de meilleur et de plus substantiel, comme de plus neuf, dans ces essais de métaphysique expérimentale, ce n’est pas la métaphysique.

Bernard Perez.