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notices bibliographiques

On sait à combien de recherches et de discussions savantes ce sujet a donné lieu, combien d’opinions différentes ont été émises depuis que Schleiermacher surtout en a fait l’objet d’une étude sérieuse et approfondie. M. Zeller, qui lui a consacré un grand nombre de pages dans son Histoire de la philosophie des Grecs (II, ii, 422-476) a reproduit toutes ces opinions avant de donner la sienne. Le problème est-il réellement résolu ? On ne saurait l’affirmer. On ne peut nier au moins le progrès ; dans sa généralité, on peut dire qu’il a été amené à une solution probable. Mais en est-il de même des détails et quant à la place que chacun des dialogues de Platon doit occuper dans chacune des catégories ou des groupes que l’on propose ? Quant à nous, nous tenons la question comme insoluble ; du moins il n’y a lieu qu’à des conjectures. Celle que proposa M. Köstlin en se rapprochant de Schwegler, qui lui-même se rattache à Hermann, paraît assez acceptable. Les trois périodes qu’il adopte : 1o période socratique, suivie d’une époque de transition polémique et apologétique ; 2o période spéculative ; 3o période de développement complet du système à laquelle succède une quatrième, celle du retour au pythagorisme dans les Lois : rentre assez dans les limites du vraisemblable. Quant à la place qu’il assigne à chaque dialogue c’est autre chose, et il y aurait bien des doutes à lui soumettre ; mais c’est un point qui ne peut être ici discuté.

Une seconde amélioration est relative à la théorie des idées de Platon, exposée avec plus de soin et de détail, et aussi particulièrement à la nature et au rôle de la matière dans la Physique platonicienne. On n’ignore pas combien aussi ce sujet est obscur et a soulevé de controverses. Son importance est manifeste. Platon est-il ou n’est-il pas dualiste ? Toujours en conformité avec Schwegler, M. Köstlin, quoique sachant trop bien, dit-il, qu’il s’écarte de l’opinion aujourd’hui généralement admise, soutient que la matière, « dans la manière de voir de Platon, est substance réelle. » Il conclut par conséquent au dualisme. M. Zeller aussi a longuement démontré qu’il n’y avait aucun moyen de déduire le réel ou le sensible de l’idée dans la théorie platonicienne (626-641). Les raisons que donne M. Köstlin à son tour en faveur de sa thèse et qu’il appuie habilement de textes sont très plausibles, quoique quelquefois un peu subtiles. Elles sont présentées d’une façon ingénieuse, et on aimerait à être de son avis. Ce qu’on peut dire, c’est que Platon est lui-même fort embarrassé pour résoudre ce problème si ardu de la matière. N’est-il pas lui-même fort subtil quand il dit que la matière est le non-être et cependant une sorte d’être (τὶ τοιοῦτον οἶον τὸ ὄν, Rép., X), qu’elle n’existe pas et que cependant elle existe ? M. Köstlin, qui s’attache à prouver qu’il n’y a pas contradiction y parvient-il ? C’est au lecteur à en juger. La langue grecque, il faut l’avouer, est fort commode pour ces distinctions subtiles en métaphysique. Mais nous ne voulons pas plus insister sur ce point que sur le précédent. Ce qui est certain, c’est que tout cet exposé, dans le livre de Schwegler, de la théorie platonicienne mérite, comme le reste, tous les éloges, il est aussi clair que