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notices bibliographiques

l’histoire extérieure des principaux sophistes il marque les caractères généraux de la sophistique, et à ce sujet il remet sous nos yeux les opinions des anciens sur les sophistes. De ces généralités l’historien passe à l’examen de la doctrine même des sophistes ; il expose : 1o la théorie de la connaissance et l’éristique ; 2o les opinions des sophistes sur la vertu, le droit, l’État, la religion et la rhétorique. 3o Il examine les conséquences morales, juridiques, etc., et termine par un coup d’œil général où sont appréciés, la valeur et le rôle historique de la sophistique. Cet exposé nous paraît contenir en effet tout ce qu’il y a d’essentiel à dire de la sophistique.

Tous les points sont traités avec le plus grand soin et une parfaite exactitude. Nous n’aurions rien à y reprendre en ce qui concerne la partie historique ou d’exposition. Nous ferons quelques réserves sur la manière générale dont la sophistique est appréciée par le savant historien de la philosophie grecque.

Sans aller jusqu’à faire un plaidoyer en règle en faveur de la sophistique et des sophistes, comme l’a fait M. Grote dans son histoire de la Grèce et ailleurs (Plato and other Companions Socrates), M. Zeller, sur les pas de Hegel, cherche d’abord à réhabiliter sinon à justifier les sophistes. Il le fait avec mesure et plutôt en adoptant une opinion moyenne. Qu’il vous soit permis de le dire, à force de vouloir être impartiale et modérée, cette opinion est un peu flottante. Selon nous, elle n’est pas non plus tout à fait exempte de contradiction. Nous ne pouvons entrer ici dans une discussion sérieuse. Nous soumettrons seulement à l’auteur nos doutes et notre impression générale.

On répète un peu partout que Hegel a réhabilité les sophistes. Cela n’est vrai qu’au point de vue hégélien de la dialectique de l’idée, non au point de vue moral. On ajoute que l’école anglaise, M. Grote et M. Lewes, etc., ont complété cette réhabilitation. On insiste beaucoup d’abord, à ce sujet, sur l’enseignement salarié des sophistes ; on montre que ces maîtres salariés et rétribués n’ont pas été aussi avides qu’on le dit. Il était naturel, dit à son tour M. Zeller, qu’ils fissent payer leurs leçons ; il était nécessaire que ces professeurs pussent gagner leur vie par le travail auquel ils consacraient leur temps et leurs forces, etc. Il nous semble que c’est trop insister sur un point secondaire. Ce n’est pas là précisément ce qui constitue la sophistique. Faire tout rouler sur le salaire, ou à peu près, est un point de vue bien étroit et superficiel. Ce qui fait l’essence même de la sophistique est d’avoir enseigné une doctrine et un art qui en définitive étaient dangereux, car ce n’était autre chose, selon la définition d’Aristote, qu’une sagesse apparente et non réelle (φαινομένη σοφία οὐσα δε μὴ). Il nous semble aussi que M. Zeller après avoir critiqué l’ancienne opinion, lui-même y revient (493).

Il y revient d’abord quand il examine le caractère scientifique de la sophistique, « qui était de regarder comme impossible toute espèce de connaissance scientifique des choses, ce qui conduit à chercher sa satisfaction dans la jouissance. Quand la pensée a perdu son objet, elle