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courants parallèles, du panlogisme de Hegel et du panthélisme de Schopenhauer ; mais elle ne peut être obtenue en principe que d’une manière ; il faut que dorénavant ni l’idée ne soit considérée comme un produit secondaire de la volonté (comme chez Schopenhauer), ni la volonté comme un élément subordonné de l’idée (comme chez Hegel), mais que toutes les deux soient reconnues comme des attributs coordonnés, inséparables, d’une troisième chose, de la substance absolue ou du sujet absolu, qui par leur possession devient l’esprit absolu. Une pareille métaphysique doit produire la réconciliation de la philosophie et des sciences naturelles, en élevant d’un côté par un dynamisme atomistique la matière jusqu’à l’apparition de la volonté, et d’un autre côté en mettant fin par une synthèse plus élevée à la lutte entre les deux conceptions du monde, mécanique et téléologique. Pour cela, il faut qu’elle repose sur la base théorique d’un réalisme transcendantal, et que, sous le rapport pratique, tout en reconnaissant dans sa vérité le pessimisme eudémonologique de Schopenhauer, elle en fasse disparaître les conséquences funestes en le combinant avec un optimisme téléologique ou évolutionniste. C’est de cette manière que j’ai tenté le remaniement de la philosophie de Schopenhauer, et cette tentative n’est sans doute pas restée sans influence sur son école au sens plus étroit, dont les écrits auxquels je fais allusion sont pour la plupart de date plus récente que la Philosophie de l’Inconscient et que mon écrit anonyme sur « l’Inconscient du point de vue de la physiologie et de la théorie de la descendance ». Cette influence est évidente surtout chez Hellenbach et Frauenstädt, et après eux chez Mainländer ; elle est déjà moins sensible chez Bilharz et Noiré, de nature plus négative chez Bahnsen et nullement à constater chez Lange et Dühring. Reste maintenant à mentionner encore quelques Schopenhauériens plus modernes, qui reconnaissent comme fondée quant au principal ma transformation de la philosophie de Schopenhauer, sans toutefois se placer sous tous les rapports au même point de vue que moi.

Du Prel est connu comme feuilletoniste spirituel et ingénieux, ainsi que par sa brillante application du principe de la sélection naturelle à l’astronomie. C’est un sévère critique « du simple bon sens », quand celui-ci ose condamner une philosophie inintelligible pour lui, et il est ainsi devenu l’apologiste du point de vue où je me suis placé. En plus d’un sens il lui a fourni des développements intéressants, ainsi, par exemple, par rapport à l’influence de l’amour sexuel sur l’histoire, par rapport à l’imagination inconsciente dans la poésie ; pourtant il ne s’est jamais identifié avec lui ; mais ou bien il est resté plus près que moi de son point de départ (Schopenhauer), ou bien il s’est plus