Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
E. DE HARTMANN. — l’école de schopenhauer

rapproché que moi du darwinisme et tout récemment aussi du spiritisme.

Indépendamment de la part qu’il a prise à la lutte entre la philosophie et le matérialisme des sciences naturelles, le mérite de Taubert est surtout d’avoir fondé le pessimisme d’une manière plus complète et d’avoir établi clairement le rapport entre le pessimisme eudémonologique et l’optimisme évolutionniste. Taubert ne veut rien savoir d’un but final négatif du développement ; il place au contraire le but immanent de l’évolution morale de la civilisation dans la diminution de la douleur, et admet ainsi, du moins en s’approchant du point zéro, une certaine harmonie entre le bien-être général et le développement de la civilisation, ce qui contraste avec ma manière de voir sur l’antinomie des deux.

Schneidewin est schopenhauérien de cœur : mais son esprit n’a pu refuser à reconnaître que mes corrections sont justes en principe, quoiqu’il continue à résister quand je prétends faire triompher jusqu’au bout la logique et l’histoire. Il reconnaît que le système de Schopenhauer a besoin d’être complété par un certain panthéisme rationaliste ; mais il ne cherche pas comme moi ce complément dans l’hégélianisme, pour lequel il manque absolument de sympathie, mais dans le panthéisme personnel rationaliste de Steudel. En insistant plus fortement que moi sur l’élément individualiste dans le monisme, Schneidewin cherche à conserver aux individualités d’un ordre plus ou moins élevé plus de liberté et de bien-être eudémoniste que je ne le crois compatible avec les fins du tout.

Dans sa critique détaillée de Schopenhauer, Venetianer s’est placé quant au fond à mon point de vue ; en principe, ce qui le distingue de toi, c’est qu’il tente une synthèse entre le monothéisme (judaïque abstrait et le monisme de la volonté du monde ou de l’esprit absolu. Pour cela, il transforme l’ « inconscient supraconscient » en un conscient suprême. Aussi bien dans la critique que dans l’exposé positif, il dit beaucoup de choses qui méritent d’être prises en considération ; mais souvent l’absence d’une forme convenable et des sorties déplacees portent préjudice à ses meilleures idées, comme c’est le cas plus ou moins chez la plupart des disciples de Schopenhauer.

Borries voit le représentant le plus élevé de la philosophie théorique dans Hegel, celui de la philosophie pratique en moi. Dans l’intérêt moral et dans celui de la philosophie de la religion, il accepte le pessimisme empirique, en repoussant le pessimisme métaphysique, et trouve mon œuvre principale dans l’étude approfondie du problème axiologique en faveur de l’éthique. En outre, il reconnaît comme